Écosophie
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Mot crée par le philosophe Arne Naess à l’Université d’Oslo en 1960 et début du mouvement d’Ecologie Profonde, qui invite à un renversement de la perspective anthropocentriste : l'homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s'inscrit au contraire dans l'écosphère comme une partie qui s'insère dans le tout.
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[modifier] Les trois écologies
Le philosophe et psychanalyste français Félix Guattari développe la notion d’« écosophie » dans son ouvrage Les trois écologies (Paris, Galilée, 1989) :
- l’écologie environnementale pour les rapports à la nature et à l'environnement,
- l'écologie sociale pour les rapports au « socius »[1], aux réalités économiques et sociales,
- l'écologie mentale pour les rapports à la psyché, la question de la production de la subjectivité humaine.
La racine « eco » dans son acceptation grecque originaire renvoie à oïkos, c'est-à-dire : maison, bien domestique, habitat, milieu naturel. Sophia signifiant en grec connaissance, savoir, sagesse, on peut approcher une traduction littérale de l'« écosophie » comme « sagesse de l'habiter », constitution par chacun de son propre milieu. C'est, dit autrement, une perspective pragmatique sur les pratiques sociales, une attention, au-delà de « l'individu » contemporain rendu superflu, à la fabrique des communautés. Le projet de Félix Guattari est de réintégrer la complexité des individus, leur libido, leurs rêves, dans l'équation politique.
[modifier] Groupes sujets et subjectivité mondiale
Dans la perspective écosophique, les initiatives individuelles peuvent être captées et fédérées par des groupes sujets ou groupes leaders qui interprètent besoins ou aspirations diffuses, hors institutions de pouvoir (Greenpeace, les sorcières néopaïennes américaines autour de Starhawk, Act Up...), qui les traduisent en propositions de gouvernement, qui font pression auprès des instances internationales, qui agissent sur les esprits, les cultures et les valeurs des hommes d'État, élus ou fonctionnaires des organismes internationaux.
Un groupe-sujet (une invention de Jean-Paul Sartre réinterprétée par Félix Guattari) est un groupe dont l'institutionnalisation est suffisamment fluide et non-hiérarchique pour ne pas figer sa vie intérieure dans des rites et des conventions. Il peut ainsi déceler hors de lui les signes de ce qui est vivant dans la société, sous la chape des hiérarchies et des conformismes, et capter l'énergie de ces forces sous-jacentes, voire inconscientes, qui composent la subjectivité d'une société mondiale. La subjectivité n'appartient à aucun groupe désigné par ses fonctions. Elle est aussi imprévue, fragile et efficace que la vie même. Lorsqu'on n'a pas la puissance instituée, on peut avoir la force de perception et d'interprétation.
Dialoguant avec Guattari en décembre 1991, le philosophe et agitateur politique italien Franco Berardi (dit Bifo) dresse, à propos de la situation italienne mais plus généralement des démocraties occidentales contemporaines, ou, dit à la manière de Guattari, du « Capitalisme Mondial Intégré » un diagnostic qui vaut tout aussi bien pour le projet écosophique, ce qui le hante :
- « C'est précisément le rôle du politique qui est en cause. Le passage à l'économie mondiale, le rapport entre économie et technologie, économie et finance sont autant de mutations ingouvernables par la seule politique – au sens qu'eut ce mot, de Machiavel à Lénine et, de fait, jusqu'à voici quinze ans, c'est-à-dire la capacité de gouverner une partie significative de la réalité sociale dans l'océan des relations humaines et de l'imaginaire. Aujourd'hui, le poids spécifique du pouvoir politique est dérisoire face à la création des réseaux spontanés, souterrains... (...) Il faudrait plutôt apprécier le poids dont peut disposer la politique face au changement social et quel rôle les progressistes, intellectuels ou libertaires, peuvent jouer à l'intérieur de la société. Nous sommes face à une alternative : soit nous parvenons à penser le problème à l'intérieur même de la subjectivité de la société nouvelle, soit nous continuons à considérer qu'il relève du seul gouvernement politique, et alors nous avons perdu. »
[modifier] Diffusion du concept
- Plus récemment le concept d'« écosophie » est repris par le thérapeuthe Thierry Melchior, auteur notamment de Créer le réel, Hypnose et thérapie, dans son livre 100 mots pour ne pas aller de mal en psy publié en 2003 aux Empêcheurs de penser en rond.
- Philippe Pignarre et Isabelle Stengers reprennent encore le concept dans sa filiation guattarienne dans La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement, La Découverte, 2005.
[modifier] Notes
- ↑ Socius : le société inscrite dans son espace matériel est transformable le long de vecteurs sociaux par des actions microscopiques qui se propagent en son sein.
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
[modifier] Textes de Félix Guattari
- [pdf] Qu'est-ce que l'écosophie ? (entretien)
- Pour une refondation des pratiques sociales
- Les trois écologies
- [pdf] Le Capitalisme Mondial Intégré et la révolution moléculaire
[modifier] À propos de l'écosophie guattarienne
- [pdf] Broderies sur Les trois écologies par Anne Querrien
- Écosophie ou barbarie par Valérie Marange ( [mp3]à écouter)
- [mp3]Agencements collectifs et écologie des pratiques : un entretien avec Isabelle Stengers