Histoire de la police française
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En France, on ne peut à proprement parler de police avant le XVIIe siècle. Les auxiliaires de justice, sergents et archers, étaient mal payés et parfois incompétents. Les juges, note Arlette Lebigre, ne s'intéressaient guère à la chasse aux brigands, dangereuse et peu lucrative, contrairement aux procès civils, tandis que les malfaiteurs savaient jouer de l'enchevêtrement des juridictions et des compétences. Au XVIe siècle, la maréchaussée, police des armées, devient la police des campagnes… souvent plus nuisible que les voleurs eux-mêmes. Dans les villes médiévales, les autorités organisaient des rondes de nuit (guet); mais c'était souvent les habitants qui remettaient les suspects aux mains de la justice. Aux XVIe et XVIIe siècles, cette solidarité laissa la place à la peur et à l'indifférence. Les misérables affluaient des campagnes, submergeant les villes. Les cours des miracles se multipliaient dans Paris.
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[modifier] Naissance de la police à la l'époque moderne
Dans son acception moderne, le terme de police revêt une réalité très large : associé dans la formule médiévale, au notion de « justice » et de « finance », il désigne des tâches multiples, édilitaires, sanitaires, économiques, de la cité au royaume, dont l’expansion est partie liée à celle des villes. Progressivement, la police est l’ordre en toute chose dans la cité. Plus généralement, elle est aussi l’administration des sociétés dites policées. C’est l’emploi qu’en fait Louis Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris, en évoquant les lois qui régissent la vie urbaine. A la fin du siècle, le terme se précise et tend à s’approcher de l'acception contemporaine : non plus l’administration, mais une part de celle-ci, qui obéit à deux missions principales : surveiller et punir.
Le 24 août 1665, le lieutenant criminel Tardieu et sa femme sont assassinés chez eux par des voleurs. Colbert et Louis XIV réagissent en séparant à Paris la police de la justice et en la plaçant sous l'autorité d'un lieutenant de police (édit de 1667). La police était née. La Reynie fut le premier lieutenant de police, en fait une sorte de gouverneur de Paris. Sa tâche, colossale, était de lutter contre la pègre et de la surveiller, mais aussi de mettre sur pied une véritable administration centralisée. Ses principales missions revenaient à faire respecter les édits, jusque là lettre morte, réglementer le commerce, les manufactures, organiser des secours en cas d'incendie, assurer l'hygiène des rues, l'approvisionnement et la stabilité des prix. Il lui fallait encore veiller à la censure et à l'information du pouvoir. Il augmenta les effectifs du guet et le nombre de rondes de nuit ; il fit raser la Cour des miracles. Il réussit à se faire obéir par les commissaires au Châtelet, dont il augmenta le nombre afin de les répartir dans tous les quartiers de Paris. Mieux payés, ils devaient rendre compte chaque jour de leurs activités.
À la fin de l'Ancien Régime, le lieutenant de police occupe un poste très politique. Véritable ministre sans le titre, il lui faut naviguer entre la Cour, le Parlement, mais aussi une opinion publique très frondeuse. En 1753, la moitié du budget de la police parisienne servait à rémunérer les indicateurs. Le lieutenant de police d'Argenson fit ficher les personnalités. Leur correspondance transitait par un Cabinet noir. Quant au peuple de Paris, il était exaspéré par les contrôles tatillons et la corruption de la police.
[modifier] Une police surtout politique
L'ancienne police s'évanouit en 1789. Après la chute de la royauté en août 1792, le Comité de sûreté générale et les autres polices révolutionnaires, promptes à alimenter la guillotine, se substituent à l'éphémère garde nationale élue. En 1795, de Terreur en Contre-terreur, la police est totalement désorganisée. Le Directoire crée le ministère de la Police générale, mais la police dépend en fait des autorités locales. Pire, le ministère de la Police (c'est-à-dire Fouché) finança en partie le coup d'État du 18 brumaire, estime Denis Woronoff. Bonaparte, premier Consul, entreprend de constituer une police à sa dévotion, dont il nomme lui-même les commissaires. Il crée la Préfecture de police de Paris, héritière de la Lieutenance générale. Fouché, pendant les dix ans de son "règne", s'intéressera presque exclusivement à la police politique. Sous la Restauration, le ministère de la Police générale est supprimé (il sera rétabli par Napoléon III). La Préfecture de police étend alors son action jusqu'en Province, tandis que le caractère policier du pouvoir s'accentue encore. C'est pourtant à la toute fin de la Restauration qu'est créé le "sergent de ville", au service de la sécurité et de la prévention. Mais sous la monarchie de Juillet, cette nouvelle forme de police se voit détournée de sa fonction première. Avec Napoléon III, la police politique prospère, aux dépens de la police judiciaire, souligne A. Lebigre. En 1858 l'attentat d'Orsini contre l'Empereur est l'occasion d'une vague de répression. Durant tout le second Empire, les effectifs de la police sont passés de 5000 à 12 000 hommes, mais cela s'explique en partie par la croissance des villes, considère Alain Plessis. La Révolution industrielle, de par les conditions de vie inhumaine du prolétariat, alimente la délinquance et l'esprit de révolte. De 1826 à 1880, la criminalité aurait quadruplé. Les Renseignements généraux, créés en 1855, travaillent à prendre la température de l'opinion publique, mais aussi à surveiller les personnalités et à traquer les opposants ainsi que les propagateurs du socialisme. À la fin du XIXe siècle la police est pour la première fois confrontée, avec les anarchistes, au terrorisme international. Pour avoir refusé la grâce de l'anarchiste Vaillant, le président Sadi Carnot est ainsi poignardé le 24 juin 1894 par Caserio.
[modifier] La police au XIXe et XXe siècles
La police connaît des héritages parfois pesants. La Belle Époque est aussi celle des Apaches, qui narguent la police, des bandes organisées qui écument la province. En 1907, Le Petit journal faisait du triplement en 50 ans de la "criminalité juvénile" la une de son supplément illustré. Georges Clemenceau crée en 1907 les premières brigades mobiles de la PJ, les "brigades du Tigre". C'est désormais la guerre entre la Sûreté générale, autonome depuis 1877, dont dépendent, outre ces brigades, RG et contre-espionnage, et la Préfecture de police.
[modifier] La police sous Vichy
De fait, coexistent en France différentes polices, créées au fur et à mesure des besoins sans coordination entre elles. Afin d'en faire un instrument docile, Vichy travaillera à unifier et à réorganiser la police par la loi de 1941, dont les gouvernements de la IVe République conserveront certains aspects. René Bousquet, un technocrate qui unifie la police française et collabore activement avec le général SS Karl Oberg, chef de la Gestapo et de la police allemande en France, obtient des Allemands l'autorisation de créer les GMR (Groupes mobiles de réserves), chargés de semer la crainte dans la population en cas de manifestation. Après la Libération, les GMR sont rebaptisés Compagnies républicaines de sécurité (CRS). La police de Bousquet prend en charge le recensement des Juifs (fichier Tulard), la mise en place de l'étoile jaune, ainsi que l'organisation des rafles, dont la rafle du vel'd'hiv du 16-17 juillet 1942. Bousquet est ensuite remplacé, fin 1943, par Joseph Darnand, un collaborationniste virulent à la tête de la Milice.
[modifier] La police sous la IVe et Ve République
Maurice Papon, ancien collaborateur jugé pour crimes contre l'humanité dans les années 1980, a été préfet de police de 1958 à 1966. Il a écrasé dans le sang la manifestation pro-FLN du 17 octobre 1961 ainsi que la manifestation à Charonne en 1962.
Plus généralement, la préfecture de Police se trouve mêlée sous la Ve République à de nombreux scandales, en raison de sa grande autonomie d'action. En 1966, elle se voit fondue avec la Sûreté générale dans la Police nationale. En 1968, le sang-froid du préfet de police Maurice Grimaud explique le faible nombre des victimes des affrontements entre étudiants et CRS.
[modifier] La police aujourd'hui
Actuellement la police est confrontée à la montée de la petite et moyenne délinquance comme aux nouvelles formes de criminalité organisée, liées aux trafics mondiaux et à l'informatique. On lui demande de pallier, par la répression ou la prévention, les carences de la socialisation, voire d'incarner à elle seule l'État dans certains quartiers. Tandis que la gauche insiste sur le rôle de la « police de proximité » et de la prévention, la droite privilégie la répression.
[modifier] Références
[modifier] Bibliographie
- Michel Auboin, Arnaud Teyssier et Jean Tulard, La police, Histoire et dictionnaire. (Editions Robert Laffont, 2005).
- Arlette Lebigre, La Police: une histoire sous influence, Gallimard, 1993.
- Hélène L'Heuillet, Basse politique, haute police, une approche philosophique et historique, Fayard, 2001, 434 p.
- Paola Napoli, Naissance de la police moderne, pouvoir, norme, société, La Découverte, 2003, 307 p.
- Maurice Rajsfus et Jean-Luc Einaudi, Les Silences de la police. 16 juillet 1942, 17 octobre 1961., L'Esprit frappeur, 2001, ISBN 2844051731, 85 pages.
- Maurice Rajsfus, La Police de Vichy. Les forces de l'ordre françaises au service de la Gestapo. 1940/1944, Le Cherche Midi éditeur, 1995.
[modifier] Voir aussi
- Procès contre La Rumeur pour "diffamation des forces de sécurité" (cf. aussi Censure en France)