Murs à pêches
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Dès le XVIIe siècle furent créés à Montreuil (Seine-Saint-Denis) des cultures de pêchers en espaliers, palissés sur des murs appelés murs à pêches.
Les murs à pêches de Montreuil se développèrent jusqu'au XIXe siècle pour couvrir au plus fort de leur production, en 1870, 600 km de linéaire et fournir 17 millions de fruits.[1]
Cette production, unique en son genre, permit de produire sous le climat de la région parisienne des variétés de fruits habituellement réservés aux climats doux du sud de la France.
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[modifier] L'invention d'une technique
[modifier] Les parcelles
Sur le vaste plateau de Montreuil, chaque parcelle, étroite et allongée, orientée nord-sud, était enclose d’un mur de 2m70 de haut coiffé d’une protection de tuiles. Les murs sud, qui clôturaient la parcelle, étaient construits en retrait du chemin afin de conserver un côté utilisable. On y plantait un fruitier appelé Costière en dehors.
Les murs étaient talochés de plâtre afin d'augmenter leur inertie thermique, c'est à dire leur pouvoir de rétention de chaleur. Accumulant l'énergie solaire pendant le jour, les murs à pêches la restituaient la nuit, ce qui diminuait le risque de gelée et accélérait le mûrissement. Le sous-sol de Montreuil étant riche en gypse, le plâtre y était bon marché et facile à produire.
L'épaisseur des murs, construits sur une fondation afin d'éviter les remontées d'humidité, variait de 55cm à la base à 25cm au sommet.
Un système de toitures amovibles en bois assurait une protection contre les pluies de printemps qui favorisent la cloque du pêcher. Des paillassons déroulants isolaient les fruitiers pendant les nuits trop froides.
Dans ces parcelles isolées, la température était couramment supérieure de 8 à 12° à la température ambiante.
[modifier] Palissage et culture
Pour s’adapter au terrain du plateau, les variétés de pêchers étaient greffées sur des amandiers porte-greffe, plus résistants au sol calcaire du plateau. Ils étaient taillés pour se plaquer au maximum au mur dispensateur de chaleur. Les pêchers, conduits en espaliers « à la diable »[2], étaient adossés aux murs est et ouest et palissés par des liens en toile cloués dans la maçonnerie[3].
Chaque parcelle comportait également en partie centrale des pêchers ou des pommiers en palmettes qui ne nécessitaient pas la protection des murs. Les pêchers en plein vent donnaient des fruits moins gros que les pêchers palissés mais avaient un avantage: il ne fallait pas brosser les fruits qui perdaient leur duvet avec le vent.
Ces productions étaient complétées par des cultures florales (lilas, jonquilles, iris, delphiniums, rosiers, pivoines...), qui assuraient un complément de revenus aux arboriculteurs, et par des plantations de vignes et de framboisiers.
La présence du vaste marché parisien, avec la proximité des Halles, fournissait un débouché garanti pour ces productions.[4]
[modifier] A la table du Roi
Les pêches de Montreuil devinrent célèbres grâce à leur présence à la Cour de France au XVIIe siècle. La notoriété acquise facilita leur exportation vers les grandes tables des pays voisins. La reine d'Angleterre et même les tsars de Russie firent venir des pêches de Montreuil. De nombreuses variétés de pêches cultivées actuellement dans le monde ont été créées à cette époque à Montreuil, comme la Prince of Wales, la Grosse Mignonne ou encore la Téton de Vénus.
[modifier] Un patrimoine en péril
A partir de la fin du XIXe siècle, l'extension du chemin de fer engendra le déclin des productions de pêches. Les fruits du midi de la France, plus précoces, arrivaient les premiers et à moindre coût sur le marché parisien.[5] les vergers et les murs furent progressivement détruits et disparurent dans le tissu urbain.
En 2006, 17km de murs fortement dégradés subsistent sur les 600km initiaux. L'association MAP (Murs à pêches) tente de les sauvegarder.[6]
[modifier] L'avenir du site
Alors qu'en 1953 une surface de 50ha est classée en zone horticole protégée, le SDRIF[7] de 1976 transforme le secteur en réserve d'espace vert urbain. Ce statut protecteur est transformé en 1994 au profit d'une zone urbanisable à 80%, traduisant l'abandon du site par la municipalité communiste qui y voit depuis longtemps un vivier honni de petits propriétaires.
Malgré les réticences évidentes de la commune et du Conseil Général, qui ont déclassé les 37 ha restants en « réserve foncière » pour implanter des activités, 8.5 ha ont finalement été conservés et classés définitivement par le ministère le 16 décembre 2003 au titre des "Sites et Paysages."[8]
Cette surface protégée (seulement 300m x 300m), ne résoud en rien le devenir des jardins restants, aujourd'hui occupés par des ferrailleurs et des gens du voyage.
Une solution immédiate et peu couteuse consisterait pourtant à louer ces parcelles aux habitants de la commune sous forme de jardins familiaux[9]. cette solution valoriserait et préserverait le site et permettrait de procéder progressivement à la rénovation des murs.
Faute d'une décision rapide et claire des élus, il est à craindre que l'on ne garde bientôt plus des murs à pêches qu'un fragment de mur au centre d'un rond-point.
[modifier] Accès
- Impasse Gobétue, (23 rue St Just), 93100 Montreuil-sous-bois.
- Bus: 102 et 121, arrêt Danton. Bus 122 arrêt St Just.
Les pêches de Montreuil sont restées dans le patrimoine culturel de la commune, permettant des associations d'idées et des jeux de mots : on trouve aujourd'hui les cafés « La Pêche » et « la Grosse Mignonne », l'hebdomadaire municipal Montreuil Dépêche.
Les noms des quartiers Signac Murs à Pêches et Bel air grands pêchers Renan gardent également trace de ces cultures.
[modifier] Notes
- ↑ L'extraordinaire labyrinthe des murs conduisit les Prussiens à contourner Montreuil lors du siège de Paris de 1870.
- ↑ Le palissage à la diable consistait en une répartition équilibrée à partir de deux branches charpentières guidées en oblique. Un pêcher ainsi palissé pouvait couvrir jusqu'à 12 m de mur et produire 400 kg de fruits.
- ↑ Palissage à la loque. Ces bandes de tissu récupérées chez les artisans de la rue de Paris permettaient de fixer les branches aux murs sans risque de les blesser.
- ↑ Jusqu'à la destruction des pavillons Baltard des halles de Paris, dans les années 1970, un pavillon restait affecté aux horticulteurs de Montreuil.
Au plus fort de la production, 600 familles de Montreuil vivaient de l'horticulture. - ↑ En 1936, la famille d'horticulteurs Savard arrachera 700 pêchers de ses parcelles.
- ↑ Depuis 1994, cette association œuvre à la conservation de ce patrimoine exceptionnel en replantant les fruitiers, reconstruisant les murs et animant le site.
- ↑ Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme de la Région Ile-de-France
- ↑ L'action de Dominique Voynet, alors ministre de l'écologie et élue de Seine St Denis, a vraisemblablement contribué à faire aboutir ce classement. La surface protégée ne correspond qu'à 20% de la superficie du site. On peut voir dans cette proportion le poids relatif des élus "verts" dans les divers courants politiques de la commune.
- ↑ Une très forte demande non satisfaite de jardins familiaux existe à Montreuil.
[modifier] Bibliographie
- Les Savard, Histoires de vies, 1880-1930 (2005): Histoire illustrée d'une famille d'horticulteurs de Montreuil.
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
- Montreuil, la culture de la pêche
- Site de l'association MAP. [1]
- Le site des Murs à Pêches sur Google Map: [2]
- Sites naturels classés sur .gouv.fr [3]
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