Relation entre science et foi
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La relation parfois conflictuelle, parfois paisible entre science et religion est un large sujet abordé depuis l'Antiquité et dans le cadre de nombreux champs d'investigation ou de recherche dont la philosophie des sciences, la théologie, l'histoire des sciences et l'histoire de la religion.
Sommaire |
[modifier] Peut-on encore croire en Dieu dans un monde scientifique ?
La question a été posée aux français en 1994 lors d'un sondage CSA:[1]
- 49% constatent effectivement que : " plus les connaissances scientifiques progressent, plus il est difficile de croire en Dieu. "
- 32% estiment que : " croire en Dieu n'est plus nécessaire à notre époque ".
- 61% considèrent l'existence de Dieu comme certaine ou probable.
Réponses des scientifiques:[2]
- La moitié des chercheurs du CNRS déclarent aujourd'hui avoir la foi ou quelque chose qui s'en approche.
- 70% d'entre eux s'accordent à penser que la science ne peut à ce jour exclure ou réhabiliter l'idée de Dieu.
Ainsi, même si " on a longtemps pensé que la science allait chasser la fonction religieuse, c'était une erreur. " comme le souligne l'astrophysicien Hubert Reeves. Erreur, tout simplement parce que science et religion n'abordent pas les mêmes questions : La science décrit les phénomènes, les mécanismes, les principes auxquels nous sommes soumis, en un mot le " comment " de notre existence. Cependant, " notre soif de signification et d'espérance n'est pas prise en compte par la science car on ne sait pas l'introduire dans les équations ! " (Pierre Karli, Académie des Sciences). La foi, de son coté, s'intéresse aux questions existentielles concernant le sens de notre vie ici-bas et dans l'au-delà, l'existence de Dieu, notre relation avec Lui, en un mot le " pourquoi " de notre existence.
[modifier] Évolution de la relation entre science et religion
[modifier] Philosophie antique
Pour Platon, (427 av. J.-C. - 348 av. J.-C) toute connaissance se doit d'être certaine et infaillible et doit porter sur le réel et non l'apparence. Il oppose alors le monde réel, qui est immuable et parfait, au monde physique, inconstant. Il rejette donc l'empirisme, c'est-à-dire l'acquisition de connaissances par l'expérience des sens. Cette théorie des Formes prend toute sa signification dans l'examen des objets mathématiques. Par exemple, le cercle est défini comme une figure plane constituée d'une succession de points, tous situés à égale distance d'un point donné. Mais personne ne peut voir une telle figure. Ce que l'on voit en fait est un dessin, une approximation du cercle idéal. Mais le fait que les mathématiciens puissent définir un cercle prouve qu'ils connaissent sa nature. Donc pour Platon, la "circularité", ainsi que la "quadrature" et la "triangularité" sont des formes qui existent en dehors de l'espace et du temps. Cette théorie des Formes et, plus généralement, l'enseignement de Platon ont lourdement influencé la pensée occidentale, tant philosophique, religieuse et sociale que scientifique.[3]
Si Aristote accepte certaines idées platoniciennes, comme l'immortalité de l'âme et la nature divine des corps célestes, il remet en cause certaines théories du maître : pour lui, le plus haut degré de réalité n'est pas ce qui apparaît par le raisonnement, mais ce qui est perçu par les sens. Il affirme que la raison est vide avant que les sens n'entrent en action. Il pose les lois du raisonnement et fonde la logique (Organon) comme instrument de précision du discours philosophique. Il partage le savoir en trois domaines correspondant à des champs de l'activité humaine : la création ou art, la pratique ou morale, la théorie ou science.
Il introduit une conception des phénomènes de causalité dans la nature, qu'il divise en quatre : la cause matérielle, la cause efficiente, la cause formelle et enfin la cause finale ou telos. C'est cette dernière qui fonde le principe d'Aristote sur la finalité des choses ; selon lui, tout obéit à un « dessein » qui nous dépasse ; cette idée aura une grande influence sur les théologiens chrétiens du Moyen Âge.
C'est par l'intermédiaire des traductions et des commentaires des philosophes arabes comme Avicenne et Averroès que l'œuvre d'Aristote est parvenue en Occident et a nourri la pensée médiévale. Ainsi, au XIIIe siècle, saint Thomas d'Aquin tente de concilier la philosophie aristotélicienne et la foi révélée des Écritures. La philosophie médiévale nous a transmis ces fondements intellectuels du savoir, que sont les philosophies des grands auteurs de l'antiquité. [4]
[modifier] Moyen Âge
Saint Augustin d'Hippone (354 - 430) ne fut pas un scientifique mais il influença fortement le développement de la pensée scientifique occidentale par ses conceptions philosophiques. Au début du Moyen Âge, la science était prise entre deux grands courants théologiques. Le premier prônait l'étude unique de la question du salut, la science ne pouvant que nuire aux âmes chrétiennes. Le second courant enseignait que l'étude du monde apprend à reconnaître et à respecter la grandeur de son Créateur. Saint Augustin défendit ardemment cette idée. Pour lui, la science avait un rôle à jouer dans la religion chrétienne. Il développa la théorie divine du savoir selon laquelle l'univers, expression de la volonté divine, ne pouvait qu'être bon, et son étude renforcer la foi.[5]
Averroès(1126-1198) consacre toute sa vie à l'œuvre d'Aristote. Il cherche à en retrouver le sens originel en la débarrassant de toutes les interprétations faites jusque-là. Il se l'approprie avec assez de pénétration et de puissance pour construire un système qui porte sa marque personnelle. C'est à la question de l'origine des êtres qu'il s'intéresse le plus. Selon lui, Aristote prétend que rien ne vient du néant et que ni la forme ni la matière ne sont créées. Le mouvement serait éternel et continu : c'est la doctrine de l'éternité de la matière. Il distingue en l'homme l'intellect passif et l'intellect actif. Celui-ci se situerait au-delà de l'individu : il lui serait supérieur, antérieur, extérieur car il serait immortel. L'immortalité serait un attribut de l'espèce et non de l'individu. Cette distinction conduit Averroès à séparer radicalement raison et foi, les lumières de la Révélation n'étant accessibles qu'à l'intellect actif.
Saint Thomas d'Aquin (1225 - 1274), en revanche, cherchera à les réconcilier, fondant la théologie comme science rationnelle. Ces doctrines philosophiques soulèveront des débats passionnés dans le monde chrétien et trouveront presqu'autant de disciples que d'opposants. La tendance à séparer la raison et la foi comme relevant de deux ordres de vérité distincts risquait de ruiner les efforts de ceux qui voulaient au contraire concilier, à travers Aristote, le savoir profane et la foi révélée. Les principes d'Averroès considérés comme dangereux seront finalement condamnés par l'Église en 1240, puis en 1513 soulignant l'influence considérable du philosophe arabe en Occident, notamment dans les écoles médiévales. Condamné en son temps par la religion musulmane qui lui reproche de déformer les préceptes de la foi, Averroès doit fuir, se cacher, vivre dans la clandestinité et la pauvreté, jusqu'à ce qu'il soit rappelé à Marrakech, où il meurt, réhabilité, en 1198 [6].
Il fut mêlé en 1268, à une controverse autour de l'aristotélisme opposant les partisans de la philosophie de Saint Augustin aux averroïstes. Les premiers se sentaient menacés par les seconds qui prônaient l'indépendance de la philosophie vis-à-vis de la révélation. Au cœur du débat, Thomas d'Aquin soutenait alors une position intermédiaire qui lie foi et raison. Pour lui, le savoir reposait à la fois sur des vérités de foi et des vérités de l'expérience, les unes plus que les autres suivant que le sujet d'examen concerne le spirituel ou le matériel. Par ailleurs, les chrétiens, selon lui, n'avaient pas à craindre la philosophie païenne car toute étude de la Nature est une étude de l'œuvre de Dieu. Toutefois, malgré sa position modérée, Thomas d'Aquin est condamné en même temps que les averroïstes. Appelé en 1272 à Naples pour y créer un studium, il meurt deux ans plus tard. En 1277, les maîtres de Paris, alors la plus haute juridiction théologique de l'Eglise, le condamnent à nouveau pour certains de ses écrits. Mais très vite après cet épisode, on commence à prendre conscience de la valeur des efforts déployés par Thomas d'Aquin pour réconcilier la science grecque et l'orthodoxie chrétienne. Il sera canonisé dès 1323.
C'est à saint Thomas d'Aquin, et d'une façon générale à la philosophie médiévale, que l'on doit les fondements intellectuels du savoir occidental. [7]
[modifier] XVIe siècle : Copernic et la fin du géocentrisme
Érudit, avide de savoir, Nicolas Copernic (1473-1543) étudie dans tous les domaines : théologie, médecine, mathématiques, économie et astronomie.
Le pape Paul III, qui veut réformer le calendrier, lui confie une étude des planètes et du soleil afin de vérifier la théorie de Claude Ptolémée, un géographe grec du 2e siècle qui affirme que la Terre est située au centre de l'univers, le soleil et les planètes tournant autour d'elle. La doctrine catholique s'appuie sur cette thèse pour affirmer que l'Homme, et donc la Terre, sont au centre de la création. Très vite, pourtant, Copernic établit l'incohérence de cette théorie. Prudent, car craignant à juste titre les foudres des théologiens, Copernic attendra la fin de sa vie pour publier ses conclusions dans De revolutionibus orbium coelestium. Son travail fît grand bruit et libéra les savants des préjugés théologiques présentés comme des vérités divines...[8]
[modifier] XVIIe siècle Galilée et la rupture entre science et religion
En 1632 et 1633 eut lieu le procès de Galilée, en raison de la publication d'un ouvrage ouvertement favorable à l'héliocentrisme (le dialogue sur les deux grands systèmes du monde). Ce procès marque la séparation entre l'ancien et le nouveau en matière de sciences. C'est une rupture entre la science et la religion, qui mènera à un développement prodigieux de la science. L'Academia dei Lincei, dont faisait partie Galilée, était une société savante qui interdisait de mêler politique ou religion à la science. Lors de son procès, on lui opposa, entre autres, une citation biblique où Josué s'adressait au soleil pour lui demander d'arrêter sa course.
Galilée espérait convaincre le Pape. Urbain VIII, qui était pourtant son ami, décida de livrer Galilée au tribunal de l'Inquisition, et commua immédiatement sa peine en assignation à résidence. Les juges refusèrent de regarder dans la lunette. Le cardinal Bellarmin s'évertuait à considérer comme purement hypothétique une affirmation scientifique alors qu'il admettait comme vraie en dehors de tout doute une citation biblique… [9]
Ces controverses sur l'interprétation biblique de la cosmologie, qui reposaient également sur une rédaction d'un psaume qui laissait entendre à l'époque que l'univers était géocentrique eurent des conséquences considérables sur les relations entre la science et la foi.
En novembre 1633, Descartes apprit la condamnation de Galilée. C'est la raison pour laquelle, en 1634, recevant de son ami Beeckman un exemplaire du dialogue sur les deux grands systèmes du monde, l'ouvrage de Galilée qui lui avait valu sa condamnation, Descartes décida de ne pas publier son ouvrage : le traité du monde et de la lumière. Ce traité ne fut publié qu'en 1664, après la mort de Descartes. Le procès de Galilée a en quelque sorte déclenché la carrière philosophique de Descartes.
[modifier] Siècle des Lumières
Dans ses Philosophiae naturalis principia mathémathica de 1713, Newton avait défendu la thèse d'après laquelle la création du monde, tout comme sa structure et son devenir, peuvent s'expliquer par des causes mécaniques, l'ordre du monde étant garanti par Dieu. L'argument avancé par Newton était de nature double : (1) il était a posteriori, procédant d'une constatation de l'ordre naturel, de la régularité (lois) des phénomènes naturels; (2) et analogique, introduisant une similitude entre l'ordre du monde et celui de la pensée (les productions rationnelles de l'homme). De fait, un tel argument amenait nécessairement à la thèse selon laquelle le système du monde ne peut être que le produit d'une intention ou d'un dessein divin.
- L'article révolution copernicienne décrit le passage de la représentation géocentrique à la représentation héliocentrique au XVIIe et au Modèle:SXVIIIes.
Le pape Benoît XIV fit donner l'imprimatur aux œuvres de Galilée en 1741, et leva l'index sur la théorie héliocentrique en 1757. Ces mesures, ainsi que les hommages rendus à Galilée par les papes modernes, constituent implicitement une réhabilitation de Galilée par l'Église catholique. L'Église révisa le principe des études bibliques aux XIXe et XXe siècles. Le pape Jean-Paul nomma en 1981 une commission chargée d'étudier la controverse ptoléméo-copernicienne. Cette commission remit ses conclusions en 1992.
[modifier] Le XIXe siècle
[modifier] Les idées positivistes
En France il est à noter la portée de la pensée d'Auguste Comte (1798 - 1857), philosophe, et fondateur du positivisme. Originaire d'un milieu catholique, il perd la foi dès l'âge de 14 ans. Brillant élève en mathématiques, il est renvoyé de l'École polytechnique pour insubordination et rébellion. S'inspirant de Roger Bacon, Descartes, Monge, Condorcet, il ouvre, à son domicile un cours de philosophie lors duquel il expose sa loi des trois états de l'esprit humain, qu'il compare aux stades de l'évolution de l'Homme : théologique, ou fictif, dans sa jeunesse ; métaphysique, ou abstrait, dans son adolescence ; et positif dans sa maturité, qui devient l'âge de la science. Ce dernier état recherche le "comment" des choses et non le "pourquoi", car la nature des choses, l'absolu, l'explication universelle de la nature sont des utopies qui relèvent de la métaphysique et ne doivent pas être recherchés : Comte rejette la cause première, et cherche à expliquer les phénomènes par des lois exprimables en langage mathématique.
L'approche scientifique selon Auguste Comte permet de dévoiler le réel et de décrire les lois de la nature en vue d'une destination pratique, utile, pour l'action, par opposition à la connaissance pour la connaissance. Auguste Comte réalise un classement des différentes sciences et considère qu'il reste encore une science positive à fonder, la plus importante car elle a pour objet les faits humains et doit permettre le progrès de la société. Il l'appelle "sociologie" (selon l'expression de Sieyès). Auguste Comte détermine et hiérarchise ainsi six sciences fondamentales, chacune d'entre elles dépendant, pour son développement, de celle qui la précède ; les mathématiques, l'astronomie, la physique, la chimie, la biologie et la sociologie. Elles constituent le système général de connaissance que son "cours de philosophie positive" tente de coordonner. La philosophie a pour but d'unifier la connaissance et d'en faire la synthèse face à la dispersion des disciplines qui constitue un danger pour la science [10].
[modifier] Darwin condamné par l'Église
Darwin fut conscient du caractère révolutionnaire de sa pensée. Cela le fit hésiter aussi bien vis-à-vis des autorités scientifiques que des autorités religieuses. La parution de son œuvre maîtresse en 1859 : L'Origine des espèces (en anglais On the Origin of Species by means of Natural Selection), provoqua des réactions passionnées bien que Darwin n'ait pas cherché à être particulièrement provocateur puisqu'il cite encore le Créateur.
Ce n'est que plus tard qu'il s'exprime clairement sur l'homme avec The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex. Bien que les notes de ses carnets indiquent de nettes options matérialistes dès 1837, il ne se déclare agnostique qu'en 1876. Les réactions de l'Église furent catégoriques, l'origine animale de l'homme ne pouvait qu'être en contradiction avec la bible et la doctrine catholique. Dès 1860 le concile allemand de Cologne, annonciateur de l'esprit du grand Concile Vatican I vis-à-vis de la science, s'oppose à la thèse darwinienne et déclare: « Nos parents ont été créés par Dieu immédiatement. C'est pourquoi nous déclarons tout à fait contraire à l'écriture sainte et à la foi, l'opinion de ceux qui n'ont pas honte d'affirmer que l'homme, quant au corps, est le fruit de la transformation spontanée d'une nature imparfaite en d'autres de plus en plus parfaites jusqu'à la nature humaine actuelle ».
[modifier] Position de l'Église au XIXe siècle
Pie IX rejeta sans nuances la théorie proposée par Darwin. Parurent alors de nombreuses publications anti-darwiniennes. Le pape apprécia particulièrement Moïse et Darwin. L'homme de la Genèse comparé à l'homme-singe ou l'enseignement religieux opposé à l'enseignement athée. Pie IX distinguait vraie science et fausse science; la vraie est celle qui se conforme à l'infaillible révélation divine, "étoile" qui doit guider le scientifique et "lumière" qui "aide à se préserver des écueils et des erreurs". La science fut accusée de propager l'athéisme et le matérialisme.
Léon XIII, successeur de Pie IX, fut plus libéral quant à son regard sur la science : il renouvela les études bibliques par l'encyclique providentissimus deus. Cependant, la situation théologique n'évolua guère sur le terrain. La prédication à Notre Dame reste ferme : le chrétien possède la "science suprême" ; il "ne craint rien de la fausse science, parce que toujours elle est confondue ; rien de la vraie science, parce que toujours elle tombe d'accord avec la vérité."
Pie X, à l'esprit obtus, allait entreprendre une véritable chasse aux sorcières pour étouffer les idées nouvelles et en rester à l'enseignement traditionnel des séminaires où dans les manuels bien pensants était écrit :"[l'inspiration] préserve l'écrivain sacré de toute erreur, non seulement de toute erreur dogmatique et morale, mais aussi de toute erreur historique ou scientifique". Le séminariste devait s'en tenir au concordisme; la bible s'accorder parfaitement avec l'histoire et la science.
Dans le même temps, les protestants entreprirent de revoir l'Ancien Testament. Il y eut des travaux d'exégèse importants également chez les catholiques, qui s'appliquèrent davantage au Nouveau Testament. [11]
[modifier] Le XXe siècle
[modifier] Le cercle de Vienne
Le cercle de Vienne (Wiener Kreis) était un groupement de savants et de philosophes formé à Vienne à partir de 1923 autour de Moritz Schlick, en vue de développer une nouvelle philosophie de la science dans un esprit de rigueur, et en excluant toute considération métaphysique. Sous le nom de "conception scientifique du monde", le programme commun caractérise un "tournant de la philosophie" Schlick. Il présente trois principes majeurs :
- La science doit pouvoir être unifiée dans son langage et dans les faits qui la fondent. Toute connaissance scientifique, en effet, vient soit de l'expérience, soit de la "mise en forme tautologique de la pensée".
- La philosophie, qu'elle soit (Carnap, Reichenbach) ou ne soit pas (Schlick) considérée comme une véritable science, se réduit à une élucidation des propositions scientifiques portant directement ou indirectement sur l'expérience, propositions que les sciences elles-mêmes ont pour tâche de vérifier. La philosophie sera donc avant tout philosophie de la science; et, s'occupant de cet aspect positif de la connaissance humaine, elle tendra vers une effective objectivité (Reichenbach, introduction au n° 1 d'Erkenntnis). Afin de rendre clair le langage de la science, elle utilisera le symbolisme logique de Frege et de Russell.
- Le succès d'une telle philosophie annonce la fin de la métaphysique: "Car il ne sera plus nécessaire de traiter des "questions philosophiques", puisque de toute question on traitera philosophiquement, c'est-à-dire dans un langage clair et pourvu de sens" (Schlick, Die Wende der Philosophie). Et les questions traditionnelles de la métaphysique apparaîtront alors comme ne portant que sur des mots dont le sens n'avait pas été suffisamment éclairci, et sur des propositions invérifiables.[12]
[modifier] L'École Française
Louis Leprince-Ringuet figure parmi les plus illustres scientifiques français s'étant, par ailleurs, penché sur la nature de la relation entre science et foi. Il contribue notamment à l'Annuaire de l'Église Catholique de France. Sa réflexion porte sur la science et son éthique à partir d'une citation de Jacques Monod, extraite de sa conférence inaugurale au Collège de France. Ce savant moderne était athée (Le hasard et la nécessité) ; pour lui comme pour d'autres scientifiques, la science rapproche les hommes sur toute la planète, alors que les religions les séparent. Il semble qu'entre science et religion, il y ait de fait une fondamentale différence de nature. La science s'applique à formaliser des lois, à dire le "comment", mais elle n'explique pas le "pourquoi" de l'univers. Ainsi la prévision de nos actes ne sera jamais donnée par le développement de la recherche. Telle qu'elle se présente, la science est en soi athée ; pas de traces de Dieu dans l'immense accumulation d'études qui couvre tous les domaines de la connaissance rationnelle.
Concernant la position de l'Église L.L.R., montre que son attitude est de plus en plus ouverte mais mal connue, y compris des catholiques. Son instrument de réflexion et de dialogue réside principalement, et cela depuis 1936, dans l'Académie Pontificale des Sciences qui comporte 80 savants de toutes nationalités, disciplines ou confessions, dont une vingtaine de prix Nobel ; les catholiques y sont minoritaires. Elle est établie au Vatican et organise plusieurs fois par an des "semaines d'étude" ou des colloques. Le pape, tenu au courant, préside chaque automne la session plénière ; ainsi le 10 novembre 1979, il a initié le processus qui devait aboutir en 1992 à la quasi réhabilitation de Galilée.[13]
[modifier] Position de l'Église au XXe siècle
L'attitude de l'Église Catholique a certainement évolué sous le pontificat de Jean-Paul II.
Dès le début de son pontificat, le 10 novembre 1979 (centième anniversaire de la naissance d'Albert Einstein), Jean-Paul II a d'abord souhaité approfondir le cas de Galilée. Le 3 juillet 1981, il nomme une commission d'étude composée de théologiens, de savants, et d'historiens, afin de « faire disparaître la défiance que cette affaire oppose encore, dans beaucoup d'esprits, à une concorde fructueuse entre science et foi. »
Le 31 octobre 1992, la commission remet les conclusions de son rapport et Jean-Paul II fait un discours devant l'Académie pontificale des sciences :
- « Ainsi la science nouvelle, avec ses méthodes et la liberté de recherche qu'elle suppose, obligeait les théologiens à s'interroger sur leurs propres critères d'interprétation de l'Écriture. La plupart n'ont pas su le faire. Paradoxalement, Galilée, croyant sincère, s'est montré plus perspicace sur ce point que ses adversaires théologiens. « Si l'Écriture ne peut errer, écrit-il à Benedetto Castelli, certains de ses interprètes et commentateurs le peuvent, et de plusieurs façons ». On connaît aussi sa lettre à Christine de Lorraine (1615) qui est comme un petit traité d'herméneutique biblique. »
Dans son fameux message adressé à l'Académie pontificale des sciences le 22 octobre 1996, il affirma l'acceptation de la théorie de l'évolution (ou, plus exactement des théories de l'évolution, dont la théorie darwinienne) :
- « Aujourd'hui, près d'un demi-siècle après la parution de l'Encyclique, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l'évolution plus qu'une hypothèse. Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l'esprit des chercheurs, à la suite d'une série de découvertes faites dans diverses disciplines du savoir. La convergence, nullement recherchée ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres, constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie. »
- « En outre, l'élaboration d'une théorie comme celle de l'évolution, tout en obéissant à l'exigence d'homogénéité avec les données de l'observation, emprunte certaines notions à la philosophie de la nature. Et, à vrai dire, plus que de la théorie de l'évolution, il convient de parler des théories de l'évolution. Cette pluralité tient, d'une part, à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l'évolution et, d'autre part, aux diverses philosophies auxquelles on se réfère. Il existe ainsi des lectures matérialistes et réductionnistes, et des lectures spiritualistes. »
L'un des principaux penseurs français sur la relation entre science et foi, le cardinal Paul Poupard, président de l'Académie Pontificale de la Culture, précise en effet, faisant écho à la notion de Non Overlapping Magisteria du paléontologue américain Stephen Jay Gould que la distinction épistémologique entre les savoirs est une condition nécessaire pour éviter des formes dommageables de confusion, cependant si la science et la foi sont des savoirs de formes profondément différentes, il n'est pas vrai de penser et d'enseigner, comme le font certains, qu'ils constituent des mondes à part et séparés, qui ne se rejoignent jamais : si l'un et l'autre ont un sens pour l'homme, c'est dans la vérité et la vérité de l'homme qu'ils deviennent, paradoxalement, des parallèles convergentes.[14]
Le 14 septembre 1998, au terme du IIe millénaire, le pape Jean-Paul II a publié l'encyclique Fides et ratio, qui synthétise cette relation entre la foi et la raison. Commençant par la formule de Socrate (« connais-toi toi-même »), elle se poursuit par cette phrase :
- « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. »
Dans cette encyclique, Jean-Paul II rappelle le travail d'appropriation de la philosophie antique (Aristote) par l'occident au cours du Moyen Âge, notamment grâce à saint Thomas d'Aquin, et la nécessité du fondement :
- « Je désire seulement déclarer que la réalité et la vérité transcendent le factuel et l'empirique, et je souhaite affirmer la capacité que possède l'homme de connaître cette dimension transcendante et métaphysique d'une manière véridique et certaine, même si elle est imparfaite et analogique. /.../ Un grand défi qui se présente à nous au terme de ce millénaire est de savoir accomplir le passage, aussi nécessaire qu'urgent, du phénomène au fondement. Il n'est pas possible de s'arrêter à la seule expérience ; même quand celle-ci exprime et manifeste l'intériorité de l'homme et sa spiritualité, il faut que la réflexion spéculative atteigne la substance spirituelle et le fondement sur lesquels elle repose. Une pensée philosophique qui refuserait toute ouverture métaphysique serait donc radicalement inadéquate pour remplir une fonction de médiation dans l'intelligence de la Révélation »
- Article détaillé : Fides et ratio.
En l'an 2000, l'Église fit acte de repentance pour les erreurs commises dans l'Histoire.
- Article détaillé : Repentance.
[modifier] Citations
- Jean-Paul II
- La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la comtemplation de la vérité. (Fides et ratio, 14 septembre 1998)
- Albert Einstein
- « Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l'objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un Dieu qui réglerait sa volonté sur l'expérience de la mienne. Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste ». Dans 'Comment je vois le monde', 1934)
- « J'affirme que le sentiment religieux cosmique est le motif le plus puissant et le plus noble de la recherche scientifique. » Dans 'Idées et opinions'
- « La science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle. »
- « Ce qui m'intéresse vraiment c'est de savoir si Dieu avait un quelconque choix en créant le monde. »
- « Ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses était un mensonge, bien sûr, un mensonge qui est répété systématiquement. Je ne crois pas en un Dieu personnel et je n'ai jamais dit le contraire de cela, je l'ai plutôt exprimé clairement. S'il y a quelque chose en moi que l'on puisse appeler "religieux" ce serait alors mon admiration sans bornes pour les structures de l'univers pour autant que notre science puisse le révéler. » Dans 'Le côté humain, Ed.Helen Dukas et Banesh Hoffman, lettre du 24 mars 1954.
- Martin Luther King
- « Il peut y avoir conflit entre hommes de religion à l'esprit fragile et hommes de science à l'esprit ferme, mais non point entre science et religion. Leurs mondes respectifs sont distincts et leurs méthodes différentes. La science recherche, la religion interprète. La science donne à l'homme une connaissance qui est puissance ; la religion donne à l'homme une sagesse qui est contrôle. La science s'occupe des faits, la religion s'occupe des valeurs. Ce ne sont pas deux rivales. Elles sont complémentaires. La science empêche la religion de sombrer dans l'irrationalisme impotent et l'obscurantisme paralysant. La religion retient la science de s'embourber dans le matérialisme suranné et le nihilisme moral ».
[modifier] Liens internes
- Révolution copernicienne
- Autonomie de la science
- Monde (univers)
- Encyclique Fides et ratio du pape Jean-Paul II, 14 septembre 1998.
- La foi et la science | Idéologie
[modifier] Liens externes
- (fr) La science et la religion - (Le Site de l'Histoire)
- (fr) Site Hominidés.com : Évolution des espèces et Foi en Dieu
- (fr) Science et Religion - (Site Athéisme.fr)
- (fr) Science et religion. Science et Foi.
- (fr) Science & Religion : L'impossible concubinage ? - ENS de Lyon
- (fr) Jean Bricmont Science et religion : l'irréductible antagonisme
- (fr) Richard Dawkins Science et religion : quelle convergence ?
[modifier] Bibliographie
- Alexander, Denis, Science et foi : Evolution du monde scientifique et des valeurs éthiques, Frison Roche, 2005, ISBN 2876714531
- Arnould, Jacques La marche à l'étoile : Pourquoi sommes-nous fascinés par l'Espace ?, Albin Michel, 2006, ISBN 2226149236 | Dieu, le singe et le big-bang, Ed. Broché, ISBN 2204064017 | La biologie est-elle un humanisme ?, Ed. Broché, ISBN 2130499295 | Pierre Teilhard de Chardin, Ed. Broché, 2005, ISBN 226202264X
- Barbour, Ian-G, Quand la science rencontre la religion, Edition du Rocher, 2005, ISBN 2268053504
- Bucaille, Maurice, La Bible, le Coran et la science : Les écritures saintes examinées à la lumière des connaissances modernes, Pocket Agora, 2003, ISBN 2266131036
- Clavier, Paul, Dieu Sans Barbe, Table Ronde, 2002, ISBN 2710325535
- de Duve, Christian À l'écoute du vivant Éd. Odile Jacob (13 mai 2005) (486 pages), ISBN : 2738116299 | Singularités : Jalons sur les chemins de la vie (296 pages) Éd. Odile Jacob (28 avril 2005), ISBN : 2738116213
- Georges, Jegaden Mais Pourquoi Donc a-T-on Brule Giordano Bruno ? Éd. Publibook (1 janvier 2001), ISBN : 2748301242
- Gould, Stephen Jay Le renard et le hérisson : Comment combler le fossé entre la science et les humanités (avec Nicolas Witkowski) Éd Seuil (14 octobre 2005), ISBN : 2020614707 | Et Dieu dit : " Que Darwin soit ! " Éd. Seuil (5 mai 2000), ISBN : 2020381982
- Magnin, Thierry, Entre science et religion, Eds Du Rocher, 1998, ISBN 2268028313
- Maldamé, Jean-Michel, Science et foi en quête d'unité : Discours scientifiques et discours théologiques, Cerf, 2003, ISBN 2204071870
- Morange, Michel Les secrets du vivant : Contre la pensée unique en biologie Ed. La Découverte (15 septembre 2005) Collection : Sciences et société, ISBN : 2707146242
- Rouvière, Jean-Marc, Brèves méditations sur la création du monde, Ed. L'Harmattan, Paris 2006.
- Russell, Bertrand, Science et Religion, Gallimard, 1990, ISBN 2070325172
- Theobald, Christophe, L'univers n'est pas sourd : Pour un nouveau rapport sciences et foi, Bayard, 2006, ISBN 2227475684
- Tort, Patrick Darwin et la philosophie : religion, morale, matérialisme Éd. Kime (19 octobre 2004), ISBN : 2841743454
[modifier] Presse scientifique et ou théologique
- (fr) Revue des sciences philosophiques et théologiques 82, 1998, 87-122
- Le Nouvel Observateur - Décembre 2005 Dieu et la science : le nouveau choc
[modifier] Références
- ↑ Sondage CSA publié par l'Actualité religieuse dans le Monde, mai 1994.
- ↑ Enquête réalisée par Le Nouvel Observateur, n°1311.
- ↑ Site Info Science
- ↑ [1]
- ↑ Site Infoscience
- ↑ Extrait du site de la BNF, Paris
- ↑ Site Infoscience
- ↑ Les Grands Esprits du XVII siècle
- ↑ Les Grands Esprits du XVIIe siècle
- ↑ Athéisme - L'homme majuscule
- ↑ Hérétiques, Incroyants, Rationalistes
- ↑ (fr) Cercle de Vienne Par Gilles Gaston Granger
- ↑ Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques 82, 1998, 87-122
- ↑ Actes du 2ème Colloque interdisciplinaire sur Science et Foi, Ljubljana (3 juin 2004), Cardinal Paul Poupard
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