Équations de Friedmann
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Les équations de Friedmann correspondent aux équations de la relativité générale (appelées équations d'Einstein) écrites dans le contexte d'un modèle cosmologique homogène et isotrope. Elles régissent donc l'évolution du taux d'expansion de l'univers et par suite de la distance entre deux astres lointains (le facteur d'échelle) et en fonction du temps appelé dans ce contexte temps cosmique. L'évolution de ces quantités est déterminée par les propriétés du contenu matériel de l'univers (rayonnement, atomes, matière noire, constante cosmologique, etc), ainsi éventuellement que la théorie de la gravitation considérée : il est en effet possible de remplacer la relativité générale par une autre théorie relativiste de la gravitation. Il peut par exemple s'agir d'une théorie tenseur-scalaire. Une autre façon de changer le modèle est de considérer la relativité générale standard mais dans un univers possédant une ou plusieurs dimensions supplémentaires. C'est le cas des modèles de cosmologie branaire[1].
Les équations de Friedmann tirent leur nom du physicien russe Alexandre Friedmann qui a été le premier à les écrire dans le courant des années 1920, avec un premier article traitant des espaces à courbure spatiale positive en 1922, puis un plus général en 1924 incluant le cas d'une courbure spatiale négative. Il fut suivi de près par Georges Lemaître qui retrouva ces équations en 1927, prédisant ou expliquant la loi de Hubble avant que celle-ci ne soit découverte en 1929. Auparavant, en 1917, Albert Einstein les avait écrites dans le cas particulier d'un univers statique, ainsi que Willem de Sitter dans le cas d'une univers vide de matière, mais avec une constante cosmologique. Les équations de Friedmann sous leur forme actuelle ont été retrouvées et présentées sous une forme unifiée par Howard P. Robertson en 1929, puis indépendamment par Arthur G. Walker en 1936. Pour toutes ces raisons, le type de modèle cosmologique décrit par ces équations est appelé univers de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker (abrégé en FLRW). Le nom de Lemaître est souvent absent, ainsi plus rarement que celui de Friedmann, ces deux personnes étants néanmoins considérés comme les vrais découvreurs de ces équations.
Les équations de Friedmann sont à la base de la quasi totalité des modèles cosmologiques, dont bien sûr le Big Bang.
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[modifier] Les deux équations de Friedmann
Il existe deux équations, la première reliant le taux d'expansion H, la courbure spatiale K et le facteur d'échelle a à la densité d'énergie ρ, la seconde reliant la pression P à la dérivée temporelle du taux d'expansion. La variable de temps utilisée est le temps cosmique, qui correspond essentiellement au temps mesuré sur Terre. Dans le cadre de la relativité générale, ces deux équations s'écrivent :
- ,
- ,
où G est la constante de Newton et c la vitesse de la lumière (la quantité 8πG / c4 est parfois appelée constante d'Einstein). Ces deux équations ne sont pas indépendantes : la seconde s'obtient en prenant la dérivée temporelle de la première, et en utilisant les équations de conservation, reliant la dérivée de la densité d'énergie à la pression. Quand on considère une extension de la relativité générale ou une autre théorie, ces équations sont modifiées. Pour cette raison, le terme d'équation de Friedmann est parfois employé au singulier, auquel cas la seule équation considéré est la première.
Il peut arriver (par exemple dans les modèles à dimensions supplémentaire) qu'elles ne soient plus conséquences l'une de l'autre. Dans les autres cas, il est possible de combiner les deux équations de façon à modifier la seconde, soit pour ne faire apparaître une certaine combinaison de la pression et de la densité d'énergie dans le membre de droite, soit pour faire ne apparaître que la dérivée seconde du facteur d'échelle dans le membre de gauche (voir paragraphe ci-dessous). Il est également possible d'effectuer un changement de variable pour utiliser le temps conforme plutôt que le temps cosmique. La résolution de ces équations s'effectue une fois la dépendance de la densité d'énergie et de la pression par rapport au temps ou au facteur d'échelle connus. Un certain nombre de solutions exactes sont connues.
[modifier] Quelques solutions particulières
Quand le membre de droite ne comporte qu'une seule espèce, et en l'absence de courbure spatiale, les équations de Friedmann peuvent être résolues sans difficulté. En présence de plusieurs types de matière et/ou de courbure, des solutions analytiques exactes peuvent parfois être trouvées. Dans les autres cas, une résolution numérique des équations se fait sans difficulté.
[modifier] Univers de poussière
Quand l'univers est empli de matière non relativiste (c'est-à-dire dont la pression est négligeable, d'où le terme de « poussière »), la densité d'énergie décroît uniquement du fait de la dilution due à l'expansion. Le facteur d'échelle évolue alors selon la loi
- ,
les quantités a0 et t0 correspondant au facteur d'échelle et au temps évalués à une époque de référence donnée. De plus, l'âge de l'univers à cette époque, t0 se déduit du taux d'expansion à la même époque par .
Une telle solution est appelée, pour des raisons historiques univers d'Einstein-de Sitter, bien que ces derniers ne soient pas les premiers à avoir exhibé cette solution.
Dans un tel modèle, l'univers est donc plus jeune que le temps de Hubble. Si l'on prend la valeur mesurée de la constante de Hubble, à environ 70 kilomètres par seconde et par mégaparsec, l'application numérique donne un âge à peine supérieur à 9 milliards d'années. Cet âge étant significativement inférieur à l'âge estimé de nombreux objets astrophysiques (certaines étoiles, naines blanches, et la Voie lactée dans son ensemble), il est considéré qu'un tel univers de poussière ne peut correspondre à l'univers observable, ce qui est une des indications parmi d'autres de l'existence de l'énergie noire (voir ci-dessous). Il est aussi à noter que la dépendance du facteur d'échelle par rapport au temps est telle que sa dérivée seconde est négative, ce qui correspond à une phase d'expansion décélérée, compatible avec l'intuition que la nature attractive de la gravité a tendance à ralentir le mouvement d'expansion. Les observations, en particulier celle des supernovae de type Ia, suggérent que la phase actuelle d'expansion est accélérée, ce qui est une autre indication de la nécessité de la présence d'énergie noire. Il est par contre certain que l'univers a connu par le passé une phase où son expansion était dominée par de la matière non relativiste, car c'est la seule époque où le mécanisme d'instabilité gravitationnelle peut se produire.
[modifier] Univers de radiation
Quand l'univers est empli de matière relativiste ou de radiation, la densité d'énergie ρr décroît plus vite que précédemment car en plus de la dilution due à l'expansion, l'énergie des particules individuelles décroît avec l'expansion (ce n'est rien d'autre que l'effet de décalage vers le rouge). La densité décroissant plus vite, le taux d'expansion décroît également plus vite, et l'expansion décélère plus rapidement que dans le cas d'un univers de poussière. Le facteur d'échelle évolue selon la loi
- .
L'âge de l'univers dans un tel modèle s'écrit alors
- .
Comme dans le cas de l'univers de poussière, l'expansion est décélérée et l'âge donné par ce modèle ne peut correspondre aux observations. Ce modèle correspond par contre bien aux époques reculées de l'histoire de l'univers, quand la quasi-totalité de la matière était sous forme relativiste. En particulier l'époque de la nucléosynthèse s'est produite quand la densité d'énergie était majoritairement due à de la matière relativiste, hypothèse que l'on teste directement par la mesure de l'abondance des éléments légers. D'autres indications du fait que l'univers a connu une période dominée par la radiation est l'existence du fond diffus cosmologique.
[modifier] Constante cosmologique
Une constante cosmologique peut s'interprêter comme une forme de matière de densité d'énergie constante et de pression exactement opposée à celle-ci. Quand la densité d'énergie est positive, les équations de Friedmann admettent, en l'absence de courbure spatiale, la solution exponentielle
- ,
le paramètre de Hubble étant constant au cours du temps.
Un tel modèle représente un univers éternel, sans commencement ni fin. C'est l'univers de de Sitter, obéissant au principe cosmologique parfait. Il existe une autre configuration donnant lieu à la même dynamique de l'expansion : les deux formes de matière sont alors de la matière ordinaire non relativiste, et une forme de matière extrêmement exotique, appelée champ C, responsable d'une création continue de matière compensant exactement la dilution due à l'expansion. C'est la base de la théorie de l'état stationnaire, aujourd'hui abandonnée en raison de l'absence totale de motivation théorique ou observationnelle du champ C. Enfin, en présence d'un champ scalaire, celui-ci peut, temporairement se comporter de façon extrêmement semblable à une constante cosmologique, comportement qu'il peut par la suite abandonner. Ainsi, il est possible que sous l'effet d'un tel champ scalaire, l'expansion de l'univers connaisse une phase exponentielle. C'est la base des modèles d'inflation cosmique qui prédisent l'existence d'une telle phase à une époque très reculée de l'histoire de l'univers.
[modifier] Équation d'état constante
Tant que la pression est proportionelle à la densité, avec une constante de proportionnalité constante, on peut résoudre les équations de Friedmann. On note w le rapport de la pression à la densité,
- .
Pour toute forme de matière raisonnable, le facteur w est compris entre -1 et 1. Le cas où w est inférieur à -1 correspond à ce qui est appelé énergie fantôme, une forme d'énergie extrêmement spéculative donnant lieu à un scénario cosmologique étrange, le Big Rip. Les cas où w vaut 0, 1/3, -1 correspondent respectivement aux cas de la poussière, la radiation et de la constante cosmologique. Quand w est différent de -1, on obtient
- .
Quand w est supérieur à -1, le facteur d'échelle tend vers 0 quand t tend vers 0. Il y a donc un Big Bang, et l'expansion se poursuit indéfiniment. À l'inverse, quand w est inférieur à -1, alors cette fois, le facteur d'échelle tend vers 0 quand t est négatif et tend vers l'infini, et il tend vers l'infini quand t tend vers 0. Dans ce cas, on a un univers existant de toute éternité, mais ayant une durée de vie finie dans le futur (voir ci-dessous).
Quand w est superieur à -1, l'âge de l'univers s'écrit
- .
Les valeur de w égales à 0 et 1/3 redonnent bien sûr les résultats précédents. Quand w est égal à -1, on a un univers sans commencement ni fin, et ne présentant pas d'évolution. Quand w est inférieur à -1, on a un univers sans commencement, mais atteignant une singularité gravitationnelle dans un temps fini, bien que restant toujours en expansion. En effet, quand le facteur d'échelle tend vers l'infini, alors la densité d'énergie diverge, et ce en un temps fini : c'est le Big Rip (litt. « grande déchirure »). Le temps qu'il reste à l'univers avant cette singularité est donné par
- .
[modifier] Autres écritures
Les écritures ci-dessus utilisent le temps cosmique. Il est possible et parfois utile de lui substituer le temps conforme, η, défini par la formule
ou encore
de sorte que l'élément de longueur devienne proportionnel à une métrique de Minkowski (on dit conformément minkowskien) :
- .
Dans ce cas, on peut définir un « paramètre de Hubble conforme » par
- .
Une telle quantité n'a pas d'interprêtation physique immédiate, mais permet la réécriture des équations de Friedmann en terme du temps conforme :
- ,
- .
La résolution de ces équations suit sensiblement les mêmes étapes que dans les cas précédents. En particulier, on trouve les dépendances suivantes du facteur d'échelle par rapport au temps conforme :
- dans un univers de radiation
- dans un univers de poussière
- avec une constante cosmologique
- avec une forme de matière dont l'équation d'état est P = wρ.
À noter que η varie de 0 à selon une loi de puissance avec exposant positif tant que w est supérieur à -1/3, varie exponentiellement quand w vaut -1/3 et varie de à 0 selon une loi de puissance avec exposant négatif quand w est inférieur à -1/3.
L'intérêt de résoudre les équations de Friedmann en terme du temps conforme vient du fait que le concept d'horizon des particules et d'horizon des événements est très étroitement relié à la relation a(η), et notamment à son comportement pour les plus petites et plus grandes valeurs de η. De plus, les concepts de distance angulaire et de distance de luminosité dépendent eux aussi directement de cette même relation.
[modifier] Interprétation
Les équations de Friedmann en présence de matière non relativiste peuvent se retrouver (de façon heuristique) par un raisonnement purement newtonien. On peut en effet considérer l'évolution d'une sphère de matière, dont on suppose la densité constante à tout instant. Cette hypothèse est inexacte en général, mais la faire permet de se placer dans une situation assez semblable à celle d'un univers homogène et isotrope. auquel cas, le taux d'expansion de la sphère est relié à sa densité par la même formule que la première équation de Friedmann.
La différence cruciale entre ces deux approches vient du rôle joué par la courbure K (dans le modèle relativiste) qui s'apparente dans le modèle newtonien à une constante d'intégration sans signification géométrique. En relativité générale elle détermine les propriétés géométriques de l'espace.
[modifier] Dérivation des équations de Friedmann
Les équations de Friedmann ne sont rien d'autre que l'écriture des équations d'Einstein décrivant un univers homogène et isotrope. Leur dérivation ne pose pas de difficulté particulière, et elles représentent même une des solutions analytiques exactes les plus simples parmi celles connues à ces équations.
[modifier] Notes
- ↑ Ces modèles sont motivés par la théorie des cordes, tout en en étant logiquement indépendants, dans laquelle des dimensions supplémentaires apparaissent naturellement.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
- Relativité générale
- Modèle cosmologique
- Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker
- Big Bang
- Destin de l'Univers
[modifier] Références
[modifier] Références générales actuelles
- Ouvrages spécialisés sur la cosmologie.
- Misner, Thorne, Wheeler, Gravitation, chapitre 27.
- Jean-Pierre Luminet, L'invention du Big Bang, Seuil, coll. « Points Sciences » (2004) (ISBN 2020611481)
[modifier] Articles historiques
- Albert Einstein, Kosmologische Betrachtungen zur allgemeinen Relativitätstheorie, Preussische Akademie der Wissenschaften, Sitzungsberichte, p. 142-152 (1917). Sur l'univers d'Einstein.
- (en) Willem de Sitter, Einstein's theory of gravitation and its astronomical consequences. Third paper, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society 78, 3-28 (1917). Introduit l'univers de de Sitter.
- Alexandre Friedmann Über die Krümmung des Raumes, Zeitschrift für Physik 10, 377-386 (1922). Première écriture des équations de Friedmann, dans le cas d'une coubure spatiale positive.
- Alexandre Friedmann, Über die Möglichkeit einer Welt mit konstanter negativer Krümmung des Raumes, Zeitschrift für Physik 21 326–332 (1924). Écriture des équations de Friedmann dans le cas d'une courbure spatiale négative.
- Georges Lemaître, Un Univers homogène de masse constante et de rayon croissant rendant compte de la vitesse radiale des nébuleuses extragalactiques, Annales de la société scientifique de Bruxelles A47, 49-59 (1927).
- (en) Georges Lemaître, A homogeneous Universe of constant mass and increasing accounting for the radial velocity of extragalactic nebulae, Monthly Notices of the Astronomical Society 91, 483–490 (1931). Traduction anglaise de l'article précédent par Arthur Eddington, mais amputé d'une phrase essentielle (voir expansion de l'univers).
- Howard P. Robertson, On the Foundations of Relativistic Cosmology, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 15, 822-829 (1929). Écriture unifiée des équations de Friedmann pour toute valeur de la courbure spatiale.
- (en) Howard P. Robertson, Relativistic Cosmology, Review of Modern Physics 5, 62-90 (1933).
- Arthur G. Walker, On Milne's theory of wolrd's structure, Proceedings of the London Mathematical Society 42, 90-126 (1936). Résultat identiques à ceux de H. P. Robertson retrouvés indépendamment.
[modifier] Notes
- ↑ Ces modèles sont motivés par la théorie des cordes, tout en en étant logiquement indépendants, dans laquelle des dimensions supplémentaires apparaissent naturellement.
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