1984 (roman)
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1984 (titre original : Nineteen Eighty-Four) est un célèbre roman de George Orwell, écrit en 1948, décrivant une Grande-Bretagne postérieure à une guerre atomique Est-Ouest censée avoir eu lieu dans les années 1950, et où s'est instauré un régime de type totalitaire fortement inspiré à la fois du stalinisme et de certains éléments du nazisme. La liberté d'expression n’existe plus. Toutes les pensées sont minutieusement surveillées, et d’immenses affiches trônent dans les rues, indiquant à tous que « Big Brother vous regarde » (« Big Brother is watching you »).
Le roman devait s'appeler à l'origine The Last Man in Europe, ou encore 1949, l'année de parution, mais Orwell se vit opposer un refus de son éditeur.
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[modifier] Caractéristiques du monde de 1984
La correspondance d’Orwell indique que son projet était de lancer un avertissement contre les totalitarismes (fascisme, nazisme, stalinisme), particulièrement à une gauche britannique (dont il faisait partie), et qu'il soupçonnait de complaisance envers Staline, du moins pour ce qui était de certains intellectuels comme Bernard Shaw ou Herbert George Wells.
De nombreux éléments sont puisés dans la réalité de la fin des années 1940 qui a inspiré Orwell de manière flagrante : la description d'un Londres décrépit, avec ses cratères dus à des « bombes fusées », ses files d'attente devant les magasins, ses maisons victoriennes en ruine, ses privations de toutes sortes, évoque fortement le Londres de l'immédiat après-guerre et ses pénuries (les tickets de rationnement ont été une réalité jusqu'en 1953) sans compter les effets encore visibles des bombardements allemands (les V1 et V2). Le bâtiment qui aurait inspiré le « ministère de la Vérité » serait celui du ministère de l'Information dans le quartier Bloomsbury, Senate House, aujourd'hui propriété de l'université de Londres.
[modifier] Analyse
[modifier] Contexte
Parabole du despotisme moderne, conte philosophique sur le pire XXe siècle, si le totalitarisme orwellien opère de francs emprunts au nazisme et au fascisme, il est néanmoins , avec son Parti unique, son régime d'assemblée, sa confusion des pouvoirs, ses plans de productions triennaux, son militarisme de patronage, ses parades et manifestations « spontanées », ses files d'attentes, ses slogans, ses camps de rééducation, ses confessions publiques « à la moscovite » et ses affiches géantes, très clairement inspiré du système soviétique.
Subsidiairement, censé être une dégénérescence totalitaire d'un certain « socialisme anglais » (angsoc), on a voulu parfois n'y voir une satire au vitriol (voire un procès d'intention excessif) contre la Grande-Bretagne travailliste de Clement Attlee (1945) et son ambitieux programme de nationalisation (acier, charbon, chemins de fer, banque d'Angleterre, etc.) dans un pays ruiné par la guerre réf. nécessaire.
Homme de gauche d'une absolue sincérité, Orwell était un socialiste « de terrain » qui se méfiait d'une certaine « gauche » (cruellement raillée dans un de ses premiers romans : Et vive l'aspidistra !, à travers le personnage ridicule de Ravelston) et de son éloignement de la réalité sociale et matérielle du monde ouvrier. Orwell détestait en outre les communistes, a fortiori « de salon », et méprisait, par exemple, Jean-Paul Sartre. La misère matérielle restait pour lui la misère matérielle, que le « Parti » soit au pouvoir ou les « capitalistes ». Il n'y a aucun doute donc, contrairement à ce que l'on croit parfois, sur ses convictions socialistes très profondes, ou du moins « social-démocrates ». Méfiant à l'égard d'une certaine gauche, Orwell acceptait en outre mal d'être récupéré par la « droite », ce qui a été surtout le fait de l'accueil nord-américain de 1984.
Certaines invraisemblances évidentes de 1984, elles aussi, sont un reflet des inquiétudes d'Orwell : dans le roman, les États-Unis sont censés faire eux aussi partie de l'Océania (qui regroupe en fait les pays anglo-saxons - voir carte). Orwell voyait dans les États-Unis, un peu à la manière des « temps modernes » de Chaplin, la quintessence du monde moderne technomaniaque qui est aussi l'un des avertissements de 1984.
Par ailleurs, la thèse qu'Orwell expose à travers le manifeste du traître Emmanuel Goldstein (Du collectivisme oligarchique) suppose que le pouvoir peut employer la misère à des fins politiques : Goldstein attribue les pénuries sévissant sous l'« angsoc » à une stratégie délibérée du pouvoir plutôt qu'à un échec économique.
Avant 1984, Orwell était déjà un écrivain de gauche connu pour ses enquêtes sur les foyers ouvriers misérables dans le Yorkshire ou les chômeurs de middlesbrough '('La Jetée de Wigan). Sa méfiance envers la « gauche morale » satisfaite, qu'il soupçonne déjà (à travers le conférencier « anti-Hitler » ridicule de Encore un peu d'air frais) dès 1938, de faire le lit du totalitarisme, était au moins égal à son mépris pour la droite conservatrice.
Toutes les personnes qui ont vécu sous un régime stalinienréf. nécessaire, comme l'ancien dissident Alexandre Zinoviev, s'accordent pour saluer l'ntuition des mécanismes politiques et psychologiques de ce type de régime dont fait preuve Orwell.
[modifier] Thèmes de 1984
De nombreuses idées d'Orwell dans 1984 sont devenues des archétypes, voire des poncifs.
[modifier] Trucage de l’Histoire et propagande
Le Parti a la mainmise sur les archives et fait accepter sa propre vérité historique en la truquant ; il pratique la désinformation et le lavage de cerveau pour asseoir le régime. Il fait aussi disparaître des personnes qui lui deviennent trop encombrantes et modifie leur passé, ou les fait passer, faux témoignages des intéressés à l'appui, pour des traîtres, des espions ou des saboteurs. C'est le principe de la « mutabilité du passé ».
- « Qui détient le passé détient l’avenir. »
Une réelle question philosophique apparaît derrière l'action du Parti : la théorie du Parti est que le passé n'existe pas en soi. Il n'est qu'un souvenir dans les esprits humains. Le monde n'existe qu'à travers la pensée humaine et n'a pas de réalité absolue. Ainsi, si Winston est le seul homme à se souvenir que l'Océania a été une semaine plus tôt en guerre contre l'Eurasia et non contre l'Estasia, c'est lui qui est fou et non les autres. Pourtant le fait est réel, mais seulement dans la mémoire de Winston.
[modifier] Télécrans
Au domicile et sur les lieux de travail des membres du Parti, ainsi que dans les lieux publics, sont disposés des « télécrans », système de vidéo-surveillance et de télévision qui diffusent en permanence les messages du Parti. Les télécrans permettent à la police d’État d’entendre et de voir ce qui se fait dans chaque pièce où s'en trouve un.
[modifier] Destruction du sens logique
Le « sens logique » des assujettis au régime est altéré. En novlangue, par exemple, un même mot comme « canelangue » peut avoir un sens laudatif s’il est appliqué à un membre du Parti ou péjoratif s’il est appliqué à un ennemi du Parti. Il devient donc impossible de l'utiliser pour dire du mal d'un membre du Parti. La population est abreuvée de slogans comme :
- « La guerre, c’est la paix. »
- « La liberté, c’est l’esclavage. »
- « L’ignorance, c’est la force. »
[modifier] Bouc émissaire et manifestations de haine collective
L’ensemble des maux qui frappent la société est attribué à un opposant, le « Traître Emmanuel Goldstein », dont la description physique ressemble beaucoup à celle de Léon Trotsky. Ce traître est l'objet de séances d'hystérie collective obligatoires, les « deux minutes de la haine ».
[modifier] Appauvrissement planifié de la langue
La novlangue fait l’objet d’appauvrissements planifiés dont le but est le rendre impossible l’expression et la formulation de pensées subversives. À l’époque où est censé se passer le roman, la Novlangue constitue encore une nouveauté, qui coexiste tant bien que mal avec l’anglais classique.
[modifier] Embrigadement des enfants
Pour avoir plein pouvoir sur les familles, les enfants sont très jeunes endoctrinés. On les encourage à dénoncer leurs parents au moindre symptôme de « manque d'orthodoxie ».
On pourrait rapprocher ce comportement avec celui des enfants durant le fascisme italien ou encore avec Staline, qui récompensait ces jeunes qui dénoncaient leurs parents, et avait fondé un véritable culte national autour du jeune mouchard Pavlik Morozov.
[modifier] Anecdotes et références
- La première publicité de la firme Apple Computer pour son ordinateur Macintosh contenait une référence à ce roman, et fut diffusée en 1984, avec le thème : « Apple va annoncer le Macintosh, et vous comprendrez pourquoi 1984 ne ressemblera pas à 1984 ». Le produit lui-même n’était pas montré dans cette publicité, et aucune mention n’était faite de ce dont il s’agissait.
- Le titre 1984 est constitué par l'inversion des deux derniers chiffres de la date à laquelle Orwell a achevé son roman (1948).
[modifier] Résumé
Winston, un employé moyen du Parti extérieur, commence à rédiger un journal en cachette. Par cet acte, il a commis un crime par la pensée, et est donc condamné à plus ou moins longue échéance.
Il a commencé ce travail à cause d'un membre du Parti intérieur, O'Brien, dont il pense qu'il fait de la résistance. Winston tente fréquemment de se souvenir de son enfance, où le Parti n'existait pas (toutes les archives étant falsifiées, il ne peut obtenir d'aide).
Winston rencontre une jeune fille, Julia, membre de la ligue anti-sexe, qu'il soupçonne d'abord de l'espionner. Elle se révèle lutter contre le Parti, et ils tombent amoureux. Winston loue une chambre à un antiquaire dans le quartier des Prolétaires
O'Brien invite alors Winston chez lui et lui remet un exemplaire du Livre de Goldstein. Le Livre (dont les reproductions verbatim occupent une part importante du roman) retrace l'Histoire, les mécanismes et les motivations du système totalitaire océanien.
Avant d'en avoir lu beaucoup, Winston et Julia sont arrêtés par la Police de la Pensée. Winston est torturé au point que son opposition au Parti, son amour pour Julia et son bon sens sont détruits. Sa personnalité annihilée, il est finalement libéré et attend son exécution dans un amour béat pour Big Brother.
[modifier] Bibliographie, études
- 1984-85, Anthony Burgess (1977) -- Robert Laffont
- Les origines du totalitarisme, Hannah Arendt
- 1984, version vietnamienne traduite par Dang Phu'o'ng-Ngh et préfacé en français par Bertrand Latour (2006), Editions Underbahn, ISBN 0-9774224-5-3.
[modifier] Adaptations et références
Voir l'article spécifique
1984 a donné lieu à plusieurs adaptations cinématographiques :
- 1984 (téléfilm) : Rudolph Cartier (1954)
- 1984 : Michael Anderson (1956)
- 1984 (téléfilm) : Christopher Morahan (1965)
- 1984 : Michael Radford (1984)
[modifier] Voir aussi
- Novlangue (français pour newspeak)
- Big Brother
- Art officiel
- Retournement
- Pensée spéculative
- Doublepensée
- Contre-utopie
- La Ferme des animaux, roman du même auteur
- Le Meilleur des mondes, roman d’Aldous Huxley écrit en 1931, une vision du futur opposée souvent comparée à 1984
- Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu, de Maurice Joly
- Brazil, film de Terry Gilliam (1985)
- Philip Kindred Dick sur le thème récurrent des réalités distordues pour servir des intérêts particuliers
- Eurythmics, l’album 1984 (For the Love of Big Brother) (1984), bande originale du film de Michael Radford, et en particulier la chanson Sex Crime
[modifier] Liens externes
- (fr) Texte intégral en français [pdf] ou [doc]
- (fr) Texte intégral en français (HTML)
- (fr) Analyse de 1984 : une dystopie de la communication, par Yves Breton.
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