Bataille d'Elchingen
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Bataille des guerres napoléoniennes se déroulant le 14 octobre 1805 à Elchingen, en Bavière, au nord-est d'Ulm (Allemagne). Elle oppose le maréchal Ney et ses 17.000 hommes aux 16.000 soldats autrichiens dirigés par le Feldmarschall-Leutnant Graf von Riesch.
Le maréchal de France triomphe et met en déroute les troupes autrichiennes.
Voir aussi : Bataille d'Ulm
Un fragment des Mémoires du maréchal Ney trace le récit de ces combats.[1]
[modifier] Notes et références
- ↑ Affaires d’Elchingen, du 6 au 20 octobre 1805.
« Le mouvement avait continué. Nous occupions Nordlingen, nous tenions les avenues qui conduisent au Danube. Nous étions au moment de mener à terme une grande combinaison. Marmont avait ordre de se porter sur Neubourg ; Davoust était chargé de le suivre, et Bernadotte de pousser sur Munich l’armée bavaroise, dont il venait de prendre le commandement. Murat, de son côté, devait presser la marche de ses colonnes, il devait déboucher devant Donawerth, forcer la place et enlever le pont. Lannes, Soult, l’appuyaient avec leurs troupes : l’entreprise ne paraissait pas douteuse.
« L’ennemi, néanmoins, venait de voir démasquer des manœuvres qui jusque-là lui avaient échappé ; il nous voyait inopinément déboucher sur ses derrières, il devait tout entreprendre, tout tenter pour sauver ses communications. L’Empereur ne voulut pas courir les chances qu’enfante quelquefois une position désespérée. Il résolut de réunir ce qu’il avait de troupes disponibles, et appela le maréchal à Donawerth. Celui-ci venait de prendre position sur le Brentz ; ses positions commandaient le cours du Danube et dominaient tous les débouchés qui mènent à ce fleuve, depuis Ulm jusqu’à Donawerth. En revanche, elles se trouvaient un peu trop sur la droite de la ligne d’opérations ; le maréchal, appelé à heure fixe sur le point où il devait combattre, ne pouvait plus l’atteindre s’il était obligé de gagner Neresheim. S’y porter en côtoyant le Danube, faire une longue marche de flanc, pouvait paraître dangereux à l’état-major ; mais le maréchal ne partageait ni les vues ni les appréhensions de celui-ci sur les projets de l’ennemi, et il se décida à ce mouvement. Il était convenu que Mack n’avait « que quelques escadrons de cavalerie légère en avant de Donawerth ; qu’il n’avait garde d’engager une action ayant la Wernitz à dos. » Quant à leurs entreprises, il s’était assuré que les Autrichiens n’avaient aucune notion certaine sur notre marche, qu’ils ne nous croyaient pas même réunis en corps d’armée.
« Ces aperçus ne tardèrent pas à se vérifier. Le quatrième corps avait enlevé Donawerth sans résistance, et le sixième avait fait son mouvement le long du fleuve, sans qu’aucun incident fâcheux eût signalé sa marche, lorsqu’il reçut ordre de prendre position. Soult s’était avancé le 6 sur la place ; il n’avait aperçu, comme l’avait annoncé le maréchal, que quelques partis de cavalerie qui n’avaient pas essayé de s’engager. Il avait précipité son mouvement et était arrivé, après une traite de quinze heures, devant le pont qu’il devait enlever. Ses voltigeurs s’étaient élancés sur les travées que les Autrichiens livraient aux flammes, et le fleuve avait été franchi.
« L’ennemi se replia sur le Lech, on le suivit, on s’avança sur Neubourg ; mais l’Empereur, auquel on annonçait de toutes parts qu’il se concentrait sur cette place, se persuada qu’il avait abandonné le [Michelsberg] et résolut d’emporter Ulm. Il chargea Ney de l’attaquer sur la rive gauche, tandis que Soult la presserait par la rive droite. Il était convaincu que les Autrichiens s’étaient détachés du fleuve, qu’il n’avait qu’à faire marcher pour circonscrire leur champ d’opérations ; le maréchal était loin d’adopter ses vues à cet égard. Les Autrichiens venaient de quitter la rive gauche du Lech et s’avançaient dans une sorte de confusion sur Ulm. Le pont de Guntzbourg était détruit, leurs flancs étaient assurés, leurs derrières hors d’atteinte ; il ne doutait pas qu’ils ne cherchassent à déboucher sur la rive gauche, et ne dissimulait pas les dangers que couraient les dragons établis à Heidenheim, si on ne se hâtait de les faire serrer sur lui.
« L’irruption, du reste, n’était pas imminente. Ney avait atteint les hauteurs de Burgberg le 8 ; le 9, il avait continué son mouvement. Loison avait enlevé Elchingen, Dupont s’était établi à Albeck, Malher avait fait halte à Riedhausen. Il menaçait à la fois Guntzbourg et Ulm, il était en mesure de battre, de contenir l’armée autrichienne quelque part qu’elle se présentât : mais la fortune semblait l’avoir mise hors d’état de rien entreprendre. Davoût atteignait Aicha ; Bernadotte entrait à Munich ; Soult, Marmont, poussant sur Landsberg, achevaient l’investissement des colonnes ennemies, et leur laissaient pour tout champ d’excursion l’étroit espace qui s’étend du haut Lech au Danube.
« Ainsi circonscrites, enveloppées, elles n’avaient d’autre alternative que de se jeter dans le Tyrol ou d’en venir aux mains ; car, de s’aventurer sur la rive gauche, le major général vit qu’il y avait de la folie à l’entreprendre, et plus encore à le supposer. Une bataille était donc imminente, et Napoléon désirait que le maréchal s’y trouvât. « Ne perdez pas de vue, écrivait à Ney le ministre de la guerre, que par ses projets, qui sont de cerner l’ennemi, l’Empereur se trouve obligé de disséminer un peu ses forces, et qu’il a besoin de toute la confiance qu’il a dans ses généraux et de toute leur activité pour ne pas rester oisif quand il faut agir. » Les troupes succombaient à la fatigue : depuis trois jours elles n’avaient ni subsistances ni repos. La pluie était battante, le sol détrempé ; tout ce qu’il y a de pénible dans la vie se réunissait sur elles. Mais la dépêche était pressante. Le général Malher eut ordre de faire ses dispositions. Arrivé le 10, à trois heures du matin, à Riedhausen, il se remit en marche dès que le jour parut, et s’avança sur Guntzbourg. La route était défoncée, le pays couvert de marécages. Il ne fit son mouvement qu’avec les plus grandes difficultés. Il atteignit enfin les bords du fleuve. Le maréchal lui avait signalé un gué qu’il avait reconnu autrefois, et qui, sans doute, existait encore. Il l’avait chargé de le faire sonder, et lui avait indiqué le point du passage qui lui semblait présenter plus de chance. Mais Malher ne tient pas compte de ces obstacles. Ses colonnes sont formées ; il donne le signal. Marcognet est chargé d’emporter Guntzbourg ; il ouvre le feu, tombe de tout son poids sur les Tyroliens qui défendent les abords du Danube, enlève hommes et canons. Il se jette alors dans le fleuve, traverse le premier bras, s’empare de l’île et arrive au pont. Les travées sont coupées. Il essaie courageusement de les rétablir ; mais la mitraille succède à la mitraille : il est obligé de lâcher prise, de se retirer sur la lisière des bois.
« Le maréchal ne tarde pas à être informé de la résistance que Malher éprouve. Il fait prendre les armes à la 2e division et la charge de lui prêter main-forte ; le secours est inutile. Le général Labassé a été plus heureux que son collègue ; il s’est porté sur le point qu’indiquaient les instructions. Les difficultés du terrain, le feu de l’infanterie, le jeu des pièces n’ont pu arrêter son audace ; il est arrivé au pont de Reseinsberg, s’est élancé sur les madriers, les a franchis, et, fondant sur les troupes qui le couvraient de feu, il a enlevé les unes, culbuté les autres : il les a suivies, les a refoulées dans la place, et s’est fièrement établi sur les hauteurs.
« L’armée autrichienne se trouvait presqu’en entier réunie sous les murs de Guntzbourg. Elle reprend l’attaque, l’action recommence plus vive et plus ardente ; mais le général Malher est accouru de son côté avec le reste de ses troupes. On joint l’ennemi, on le renverse ; l’infanterie autrichienne regagne la place en désordre et n’ose plus en sortir. Il n’en est pas ainsi de la cavalerie : aucun échec n’a encore ébranlé la confiance qu’elle a dans son courage ; elle veut à toute force emporter les hauteurs qu’occupe le 59e. Elle s’avance avec intrépidité sur lui, et, toujours désorganisée par son feu, elle l’aborde avec une fureur toujours nouvelle. Cinq fois elle a échoué ; elle se rallie, elle ne se rebute pas encore. Elle forme de nouveau ses escadrons, et revient intrépidement à la charge ; mais cet admirable régiment a perdu ses plus braves officiers. Le colonel Lacuée est au nombre des morts, deux chefs de bataillons sont atteints. Il veut les venger, avoir satisfaction de ces attaques, qui, sans cesse dissipées, se reproduisaient sans cesse. Il anime son feu, désorganise cette cavalerie si opiniâtre, et l’oblige enfin de s’éloigner. Malher fait alors investir la place et y pénètre avant le jour.
« La 2e division commençait à paraître. Le maréchal se trouvait avec les deux tiers de ses forces sur la rive droite. Il avait forcé le passage, enlevé des canons, des drapeaux, et pris un millier d’hommes. L’Empereur lui témoigna la satisfaction que lui causait ce beau résultat : mais il persistait à croire que les ennemis manœuvraient sur l’Iller ; il le pressait de s’avancer sur Ulm et d’en prendre possession. « Il le laissait le maître de marcher comme il l’entendrait pour atteindre ce but ; mais il fallait que la place fût cernée le 11. La chose importait sous tous les points de vue. »
« Le maréchal se mit en mesure de la tenter. Loison poussa sur la rive droite, Dupont eut ordre de se rapprocher de la rive gauche ; et Baraguay-d’Hilliers, qui était à Stalzingen avec les dragons, de se diriger sur Languenau et de prendre position en arrière d’Albeck, afin de le soutenir. Dupont devait se munir d’échelles, de madriers, de tout ce qu’exige une escalade, sans faire cependant aucune tentative qu’il n’eût reçu de nouveaux ordres. Mais, sur ce théâtre mobile, chaque heure a son incident, chaque heure amène sa combinaison. On annonce tout à coup que les Russes commencent à se montrer sur l’Inn. L’Empereur court à leur rencontre, et Murat prend le commandement de l’aile droite. Maître de deux des barrières du champ clos où se sont placés les Autrichiens, ce prince se persuade aussi que c’est sur l’Iller qu’il doit leur donner le coup de grâce, que c’est là qu’il doit les chercher. Le maréchal combat vainement cette opinion ; vainement il représente que l’archiduc s’est éloigné de Guntzbourg à la tête de dix régiments d’infanterie et de plusieurs corps de cavalerie ; que sans doute il s’est dirigé sur Ulm, où sont déjà 15.000 hommes accourus la veille de Schaffouse ; que tout démontre que ce sont nos communications qu’il veut atteindre ; que c’est par la rive gauche qu’il est résolu d’opérer. Murat refuse de croire qu’il ose l’entreprendre. Les marches, les maladies, le défaut de vivres ont réduit nos forces outre mesure. Il a pour instructions principales d’empêcher les Autrichiens de communiquer par leur droite avec les troupes adossées au Tyrol. Il veut réunir tout ce qu’il y a de disponible, pousser sur l’Iller et donner bataille.
« Ney juge la résolution imprudente : il la combat, la désapprouve ; une vive discussion s’établit entre eux. Tous deux sont égaux en grade, tous deux sont fiers, ardents. L’un supporte impatiemment d’être obligé d’obéir ; l’autre est décidé à faire exécuter ses ordres. Ils sont au moment de vider leur querelle par un combat singulier ; déjà la lettre de provocation est écrite ; mais au moment de l’expédier, Ney se rappelle qu’il est devant l’ennemi, et se résigne à ce qu’il ne peut empêcher. Il commande d’organiser un corps d’observation en avant d’Albeck, appelle Dupont et Baraguay-d’Hilliers sur la rive droite. Néanmoins, le mouvement lui paraît si grave, qu’il croit devoir signaler de nouveau au ministre les conséquences qu’il entraîne. Il lui expose à la fois les chances que présente l’action qu’on veut livrer, et le danger qu’il y a à abandonner aux Autrichiens les débouchés d’Ulm. Ils peuvent, dès que nous aurons passé le fleuve, se jeter brusquement sur nos derrières, saisir nos communications, et nous mettre dans la situation où nous les avons placés nous-mêmes. Ils peuvent se diriger sur Elvangen, Heidenheim, Neresheim, pousser même jusqu’à Nordlingen, s’ils le jugent convenable. À ce grave inconvénient s’enjoint un autre. Nous voulons livrer bataille, mais comment y parvenir ? L’Iller n’est guéable nulle part. L’ennemi n’a qu’à rompre les ponts ; nous n’avons plus aucun moyen de l’atteindre. Se décide-t-il à combattre, la chance devient fort douteuse. Nous sommes sans approvisionnements, et le défaut de subsistances commence à se faire vivement sentir. Notre cavalerie est d’une bravoure à toute épreuve ; mais le manque de fourrages, les longues marches l’ont cruellement éclaircie. La division de hussards et de chasseurs qui est attachée au 6e corps ne dépasse pas 900 chevaux. Celle du général Bourcier, qui se compose de six régiments de dragons, s’élève au plus à 1.600 hommes sous les armes. Le corps entier ne compte pas au delà de 16 à 17.000 combattants, ce qui n’est, à proprement parler, qu’une forte division.
« Le reste de l’aile droite n’a pas moins souffert. La division du général Gazan est réduite à 5.000 hommes ; celle du général Oudinot en compte à peu près 6.000 ; celle du général Suchet 8.000 ; les dragons à pied 4.000 ; la cavalerie en a tout au plus 5.000 : total général 50.000 combattants. Un tel état de choses peut-il inspirer une bien haute confiance ? Les résultats qu’il est permis de se promettre valent-ils les chances auxquelles on s’expose ?
« Mais déjà tout ce que prévoyait, tout ce que redoutait le maréchal avait eu lieu. Arrivés le 10 dans la nuit à Ulm, les Autrichiens avaient passé le Danube le 11 au matin, et s’étaient répandus comme un torrent sur nos communications. Dupont faisait son mouvement. On s’était de part et d’autre trouvé inopinément en présence ; de part et d’autre on s’était vivement engagé. La disproportion des forces eût rendu le feu meurtrier. On avait joint l’ennemi à la baïonnette, on avait porté le désordre dans ses rangs ; mais une colonne n’était pas rompue qu’elle était remplacée par une autre. Baraguay, qui devait appuyer la division, ne paraissait point. Seul aux prises avec une armée entière, Dupont ne put contenir les colonnes qui couvraient la plaine, et les Autrichiens, tout meurtris des coups dont il les avait frappés, continuèrent leur mouvement. Werneck marcha sur Heydenheim, Riesck se dirigea avec une colonne nombreuse sur Elchingen. Cette position était pour ainsi dire abandonnée, il s’en empare, s’y établit, et fait aussitôt toutes les dispositions que la circonstance exige. Il désorganise le pont, brise les travées, mine les pilotis, ne laisse qu’un étroit passage pour éclairer la rive droite. Six pièces de canon, des troupes nombreuses sont placées sur l’avenue; la défense en parait assurée. Ces mesures néanmoins ne suffisent pas encore. On s’établit dans les jardins, on se retranche dans le château, le couvent, la chapelle. Il n’y a pas un mur dont on ne fasse un appui, pas un détour dont on ne profite, pas un obstacle dont on ne tire avantage.
« Le maréchal venait d’acheminer sa seconde division sur le Roth. Il reçut à la fois l’ordre de gagner le Leiben et de reporter Dupont sur Albeck. L’Empereur avait jugé comme lui de l’importance qu’avait la rive gauche. Il avait vivement blâmé le projet de dégarnir, d’abandonner les hauteurs qui commandent le fleuve. Le maréchal chargeait la première division de les réoccuper, lorsqu’il apprend le rude combat qu’elle a soutenu et les dispositions que fait le général Riesch. Il pousse aussitôt la troisième division à la suite de la deuxième, et court de sa personne joindre les colonnes que conduit Loison. Il les atteint le 13 à sept heures du soir. À huit heures il se remet en marche et se présente le 14, au point du jour, devant Elchingen. Elchingen est située sur un plateau d’où ses édifices, ses jardins, se prolongent jusqu’aux bords du fleuve. À droite est une forêt qui touche au Danube ; à gauche, des villages, des bouquets de bois ; en face, un terrain coupé qui se termine à pic à soixante toises au-dessus du courant. Vue de la rive droite, Elchingen apparaît comme un château-fort que couvrent de formidables ouvrages, que défend une armée nombreuse, et auquel on n’arrive qu’après avoir franchi un fleuve qui semble à lui seul une barrière insurmontable. On se dispose néanmoins à l’aborder ; on marche au pont, on assemble quelques planches, on essaie de les ajuster. L’artillerie tonnait avec force ; les soldats perdent bientôt patience et laissent là ces longs apprêts. Ils vont droit à l’ennemi qui les foudroie, s’élancent de poutrelle en poutrelle, enlèvent les pièces, culbutent les colonnes chargées de les défendre. Le passage dès lors est assuré. On se presse, on se heurte, on débouche en masse sur la rive gauche. Le terrain ne présente pour se déployer qu’une prairie étroite. On ne marche qu’avec plus d’ardeur à l’ennemi ; on le pousse de jardin en jardin, de maison en maison ; on réussit à le chasser des principaux édifices. Il ne se rebute pas néanmoins ; il continue à combattre, à tirer parti de tous les obstacles ; et quand enfin les dernières maisons lui échappent, il se rallie, se forme sur le plateau, et se dispose de nouveau à tenter la fortune. Mais la cavalerie légère avait débouché. Le colonel Colbert était en bataille ; le général Roguet, chassant devant lui les masses qui avaient opposé une si longue résistance dans l’abbaye d’Elchingen, venait de couronner les hauteurs. Le maréchal fit ses dispositions. Riesch, déployé sur deux lignes, appuyait sa droite aux bois qui courent le long de la route de Gottingen et se développait parallèlement au Danube. Plus haut, à quelque distance, se trouvait le général Miezery, chargé de maintenir la communication entre cette colonne et celle qui gagnait Heidenheim sur les derrières, mais on ne savait où était le général Dupont qui, appelé d’abord sur la rive droite, avait presque aussitôt reçu ordre de réoccuper Albeck. La situation était difficile, un peu confuse ; le maréchal néanmoins ne désespéra pas dé la ramener à bien. Il feignit de vouloir opérer par la droite, attira par ses déploiements les réserves de l’ennemi sur ce point, et ne le vit pas plus tôt dégarnir son centre que, se jetant à la tête d’une partie de ses forces, il manœuvra pour le couper par la gauche, lui enlever ses communications. Colbert se développe au-dessous d’Elchingen. Placé au-dessus, Roguet rompt par pelotons à gauche, avec le 69e, longe intrépidement le front de la ligne ennemie et reçoit son feu à bout portant. Le 76e, qui suit en colonnes, appuie à droite. Le 18e de dragons se met en mouvement. On s’aborde, on se heurte avec violence. En un instant deux carrés ennemis sont enfoncés ; mais Riesch a saisi le but de la manœuvre. Il voit que le maréchal veut le tourner, qu’il cherche à intercepter le chemin de traverse qui mène d’Elchingen à la grande route d’Albeck à Ulm. Il serre, il groupe ses colonnes ; d’une extrémité de la ligne à l’autre toutes se forment en carré, toutes appuient vivement à droite. Vaine précaution ! l’infanterie les disperse dans le bois, la cavalerie les rompt dans la plaine ; quelque part qu’on les atteigne, on les renverse, on les enfonce. Elles réussissent néanmoins à conserver leur communication ; quelques corps seuls sont chassés sur Langueneau, le reste se jette dans la forêt de Kesselbrun et s’y rallie. Mais Villate a suivi le mouvement ; ses colonnes ont atteint la lisière du bois. Le général Malher arrive sur le champ de bataille ; il éclaire la gauche et se place en deuxième ligne. L’action recommence. On se joint, on se presse, on combat avec ardeur. Enfin nous sommes au moment d’emporter le bois de Haslach ; nous nous établissons sur la route d’Albeck. La victoire semble consommée, lorsque survient un incident qui est sur le point de tout compromettre. Wernech, prévenu que l’on était aux mains, avait rebroussé en toute hâte. Dupont, de son côté, qui s’était réfugié à Brentz, après la rencontre d’Haslach, avait fait son mouvement par Langueneau, et venait d’arriver à Albeck lorsque la colonne ennemie se présenta. L’un tenait la route, l’autre voulait la forcer. Mais quelle que fût la résolution des Autrichiens, ils n’auraient pu triompher de la résistance qu’on leur avait opposée. Diverses charges avaient eu lieu, et toujours ils avaient été rompus ; toujours ils avaient été ramenés avec perte. Les colonnes descendues d’Elchingen venaient compliquer une position qui était déjà si fâcheuse. Ils recueillirent leurs forces et s’avancèrent avec une sorte de fureur à leur rencontre ; mais le général Bourcier arrivait avec sa cavalerie. Ils furent rompus, rejetés partie sur Langueneau, partie sur Jungengen. Le maréchal n’essaya pas de les suivre. Il avait cinq mille prisonniers, des canons, des drapeaux. L’artillerie tonnait sur sa droite avec une force toujours croissante ; il fit un changement de direction et accourut au secours.
« Le feu s’était successivement éteint ; la nuit était noire lorsqu’il arriva. Il établit sa droite à Albeck, sa gauche vers Gottingen, attendant, pour reprendre l’attaque, que le jour vînt l’éclairer. Mais l’Empereur, qui d’abord avait mal apprécié le combat d’Haslach, n’avait pas tardé à revenir de sa méprise. Ses colonnes convergeaient sur Ulm lorsque la nouvelle de cette rencontre lui était parvenue. Il avait pressé la marche de tous ses corps, il était lui-même accouru prendre la direction du mouvement. Bessières s’était porté à Wassen-Horn ; Soult s’était avancé sur Memmingen, et Marmont, établi à Ober-Kirch avait complété l’investissement sur la rive droite. Murat avait passé sur la gauche ; Lannes l’avait suivi et poussait sur Michelsberg, Le maréchal reçut ordre de le soutenir et de se reporter sur les positions qu’il avait quittées la veille. Le jour commençait à poindre ; il prit les armes et se dirigea sur Jungengen. Le général Suchet occupait déjà le village. On se forma, on se déploya, on chercha à embrasser les hauteurs, à tourner les redoutes qui les couvraient.
« Le maréchal avait la droite, Lannes menait la gauche. Tout était disposé ; on marcha, on se mit en mouvement. L’ennemi en position sur le Michelsberg opposa d’abord une vive résistance ; mais attaqué de front, menacé sur ses derrières, il fut obligé de lâcher prise, de se réfugier dans la place. Ney rejetait avec impétuosité dans les faubourgs les colonnes qui lui étaient opposées, que Lannes se débattait encore contre les redoutes qu’il avait en face. Tout à coup celui-ci s’aperçoit que son collègue est maître des hauteurs, se déploie sur les glacis. Il s’indigne de se voir devancer ; il veut à son tour brusquer la fortune : il excite ses généraux, ses chefs de corps, répand partout l’ardeur qui le transporte. Vedel s’élance à la tête de la 17e légère sur les redoutes qui couvrent le Frauenberg et les emporte. Le maréchal Lannes applaudit à ce coup de vigueur et prend le parti de suivre la route que l’intrépide colonel lui a frayée. Ses colonnes sont formées ; il veut forcer, enlever la place, porter le désordre au milieu des bataillons autrichiens, partager avec son collègue la gloire de renverser les derniers obstacles qui les couvrent. Il lance encore la 17e. De son côté, Ney pousse le 50e de ligne et le 6e léger. L’attaque est sur le point de réussir ; ces intrépides soldats ont franchi les ponts, l’ennemi épouvanté jette ses armes. Ils n’ont plus qu’à suivre, qu’à pousser leurs avantages ; mais la fortune est décidée, et l’armée vaincue peut encore rendre un sanglant combat. L’Empereur ne veut pas prodiguer le sang de tant de braves. Il arrête les colonnes, les Autrichiens se remettent de leur stupeur. Le colonel Vedel, avec quelques centaines de soldats, est fait prisonnier.
« Nous étions maîtres de tous les forts, de toutes les avenues. Werneck, battu de nouveau en avant d’Albeck, gagnait la Franconie en désordre. Toute espérance était perdue. Les généraux autrichiens, hors d’état de se dégager par la force des armes, essayèrent de se faire jour à l’aide des négociations. Ils députèrent le prince de Lichtenstein au maréchal, et lui offrirent la remise de la place, à condition qu’ils pourraient joindre Kienmayer, prendre part à ses opérations. Si on refusait une demande qui leur paraissait naturelle, ils étaient décidés à s’ensevelir sous les murs de la ville, à ne plus faire d’ouvertures comme à n’en pas recevoir. Ney n’essaya pas d’interrompre le prince. Il honorait sa personne, respectait son malheur ; mais, dans l’état des choses, semblables termes étaient inadmissibles : il ne lui dissimula pas qu’il fallait que l’armée autrichienne subît sa destinée. Lichtenstein reporta ces tristes nouvelles à Ulm. Les généraux s’assemblèrent et résolurent d’essayer si la constance du maréchal tiendrait devant un dernier effort. Ils prirent une délibération ainsi conçue : « La garnison d’Ulm, voyant à regret que les conditions équitables qu’elle s’était crue en droit de demander à juste titre à son Excellence le maréchal Ney n’ont pas été acceptées, est fermement décidée à attendre le sort de la guerre.
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- « Le comte GIULAY, lieut.-gén.
- « LOUDON, lieut.-gén.
- « Le comte RIESCH, lieut.-gén.
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« La résolution était digne de ceux qui l’avaient prise ; mais que sert le courage quand il n’est pas secondé par la fortune ? Ulm était sans magasins, nous occupions les hauteurs qui dominent la place. L’armée autrichienne subit la loi de la nécessité : trente-trois mille hommes, dont la plupart avaient assisté à d’honorables combats, défilèrent tristement devant les bataillons qui les avaient vaincus, et nous livrèrent leurs armes, leurs drapeaux. Le 6e corps les avait battus dans six rencontres consécutives : il les avait défaits à Guntzbourg, à Haslach, à Elchingen, à Albeck, au Michelsberg ; il leur avait fait quatorze mille prisonniers, enlevé une artillerie nombreuse, pris dix drapeaux. Le combat de Wertingen, la capitulation de Memmingen étaient les seules actions dont il ne pût revendiquer la gloire ; toutes les autres étaient son ouvrage. L’Empereur voulut honorer sa constance, sa bravoure. Il lui décerna la place d’honneur dans cette grande cérémonie, et chargea le maréchal Ney de prendre possession de la place que nous abandonnaient les vaincus. »
Source:Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail édition](Wikisource) -
[modifier] Liens externes
- (en) Elchingen October 14 1805: Action Report – Une déscription très détaillée de la bataille en anglais. Les chiffres sur ce site diffèrent des chiffres données ici.
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