Bureaucratie
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Le terme bureaucratie désigne deux notions qui méritent d'être distinguées : un travers administratif (dont le secteur privé n'est pas exempt) et une forme du pouvoir politique.
Les frontières en sont cependant incertaines et fluctuantes : quelle forme Necker stigmatisait-il quand il soulignait au XVIIIe siècle l'émergence prépondérante de la bureaucratie dans le royaume : «C'est au fond de ces bureaux que la France est gouvernée»".[1]
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[modifier] Usage recouvrant les travers supposés de l'administration
En sociologie, la bureaucratie désigne une organisation caractérisée par des procédures, la division des responsabilités, une forte hiérarchie et des relations impersonnelles. Le terme a été vulgarisé par Max Weber. Il s'applique à toute forme d'organisation, bien qu'on l'associe surtout aux pouvoirs publics.
Une décision bureaucratique obéit à des règles difficiles à comprendre pour le néophyte, rarement conformes au « bon sens » ou à la « démocratie ». Elle est également relativement lente, et toujours difficile à inverser.
La bureaucratie se montre donc particulièrement efficace lorsqu'il s'agit :
- de ne rien changer ou de gagner du temps,
- d'imposer un nombre très important de formalités et de documents à remplir,
- d'imposer des décisions incompréhensibles,
- ou des décisions à l'encontre de l'opinion majoritaire.
Ce terme est parfois utilisé de façon péjorative envers les administrations publiques qui, sans avoir les mêmes travers que les systèmes collectivistes, font parfois un usage excessif des formulaires et des procédures de validation, ce qui ralentit les démarches administratives.
Dans l'esprit du public, bureaucratie équivaut à inefficacité, paresse et dépense inutile ; la bureaucratie n'aurait d'autre fin qu'elle-même et ne travaillerait qu'à s'accroître toujours plus, de préférence en nuisant aux « vrais travailleurs ». C'est le type d'argumentaire développé par les partis populistes et les organisations patronales comme le Medef.
Des efforts sont faits dans ce domaine, en France, les systèmes de guichet unique pour une question donnée et de e-administration se développent.
Une commission existe aussi afin de clarifier le jargon administratif parfois incompréhensible pour les usagers en raison de termes juridiques ou très peu usités (le COSLA). L'artiste Pierre Perret ou des célébrités comme Bernard Pivot ou Alain Rey en font partie, mais l'ampleur de leur tâche est longue car il faut clarifier, simplifier sans toutefois faire d'approximation ou perdre des données importantes tout en évitant un langage trop familier qui conduirait à ce que ce soit une autre catégorie socio-professionnelle qui soit exclue.
[modifier] Usage désignant un outil de pouvoir
Exercice autoritaire du pouvoir par un appareil administratif constitué par l'État ou par un parti unique dans un contexte non démocratique
En politique, la bureaucratie désigne une forme d'État où le pouvoir est exercé et transmis par l'appareil administratif, qui gomme la plupart des défauts et qualités individuelles, et qui met en valeur celles de l'organisation. L'acquisition d'une position plus importante n'a qu'un lien limité avec la qualité du service (au demeurant pratiquement impossible à quantifier, hormis un élément : la docilité), et ce sont d'autres facteurs (appartenance à un réseau, cooptation par le biais d'un parti unique, etc.) qui prédominent.
Cette situation s'est présentée par exemple en URSS car le système bureaucratique permetait un contrôle très fort de la population et servait un régime autoritaire et une hiérarchisation extrême.
En France la prise de pouvoir définitive par les bureaucrates date de 1792. La Noblesse de robe (les Robins haïs de l'Ancien Régime) s'est approprié le pays qu'il administraient auparavant pour le compte de la noblesse en éliminant la Royauté affaiblie. Leur modèles étaient - et restent - Colbert, auteur de la première nationalisation, celle de la Manufacture nationale de Sèvres, et Robespierre, avocat d'Arras, doux émule de Rousseau et abolitioniste de la peine de mort avant de saisir le pouvoir et instaurer la Terreur (voir aussi Talleyrand, Saint-Just, Fouquier-Tinville).
Fondamentalement la justification de leur supprématie réside - selon eux - dans leur plus grande capacité à saisir et maitriser les enjeux de la vie de la cité. C'est une caste sociale homogène, fondée sur une culture discrète du pouvoir, une noblesse passe-muraille qui ne veut pas se faire remarquer (Nomenklatura) qui se perçoit comme constituée de meilleurs ou plus aptes citoyens. De nombreuses familles françaises 'en sont' depuis la Révolution Jacobine de 1792 (voir jacobin, L'ENA et les « élites » françaises.
Le statut particulier de la Fonction publique française depuis 1945 est vu par beaucoup comme une résurrection des privilèges pourtant abolis le 4 août 1789.
Ceci est confirmé par le fait que 75% des jeunes désirent intégrer la Fonction publique française, plutôt qu'affronter la dureté de la vie d'assujetti. De même il existe un million d'expatriés en général à haut (ou très haut) niveau de formation qui cherchent hors de France une vie exempte de tracas administratifs - communauté française de 500.000 habitants à San Francisco, Californie où l'un d'entre eux a fondé le célèbre site 'Ebay' au succès mondial retentissant. Lors d'un débat télévisé, un commentateur a pu ainsi dire sans être contredit: "la France importe des Bacs - 5 et exporte des Bacs +10" - Patrick Buisson LCI Mars 2006.
Le danger pour la démocratie est double: d'une part l'éloignement de la prise de décision des citoyens - non-respect du principe de subsidiarité - aboutit au rejet de la vie politique par les citoyens (en France 50% votent pour les extrêmes ou s'abstiennent; la majorité a refusé le référendum sur la Constitution Européenne), d'autre part une bureaucratie pléthorique et dévouée est un instrument de choix pour les régimes autoritaires lorsqu'ils parviennent au pouvoir. Danger qui ne saurait être écarté dans un futur proche... Le cas du régime de Vichy en témoigne: l'administration de la (1870 date de la commune de Paris) IIIème République a ainsi été efficacement et durablement mise au service de la Collaboration avec l'occupant Allemand.
Dans la littérature, le côté à la fois absurde et inquiétant que l'on peut prêter tant à la bureaucratie qu'à l'administration ou à la bureaucratie administrative a été magistralement présenté par Kafka dans ses œuvres.
On peut y ajouter l'œuvre de Courteline.
[modifier] Traits caractéristiques de la bureaucratie chez Weber, résumés par Henri Mendras
- Distinction précise entre la propriété privée et la propriété de l'organisation (p.ex l'Etat).
- L'individu n'est pas propriétaire de sa fonction (i.e. pas de transmission héréditaire)
- La bureaucratie fonctionne selon des règles, et refuse, par principe, toute acceptation de personne. Au sens péjoratif, un fonctionnement bureaucratique est aveugle et se refuse à comprendre les situations particulières, sauf comme des exceptions. Administrations publiques et grandes entreprises privées créent et observent des règlements
- Les postes sont rigoureusement définis dans leur compétence et dans leur domaines. La définition des postes est un des instruments essentiels du fonctionnement de la bureaucratie.
- A la définition des postes correspond la spécialisation des fonctions et des compétences de l'individu qui les remplit. En principe chaque tâche doit être confiée à l'individu qualifié pour l'accomplir. La qualification se juge sur des critères impersonnels de type bureaucratique eux aussi : les diplômes.
- Une organisation bureaucratique forme une hiérarchie : chacun est situé à un poste où il y a des supérieurs et/ou des inférieurs.
- Une bureaucratie emploie des fonctionnaires, c'est-à-dire des spécialistes, employés à plein temps, et qui poursuivent une carrière individuelle liée à la hiérarchie de l'organisation
[modifier] Anecdote
Dans son livre La bureaucratie, Alfred Sauvy introduit le terme de burelain, par analogie avec châtelain, pour désigner le bureaucrate dans son royaume.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Notes et références
- ↑ Cité par Marie-Laure Legay, Les États provinciaux dans la construction de l'État moderne aux XVIIe et XVIIIe siècle, Droz, Genève, 2001.
[modifier] Bibliographie
- Christian Larger, Pour en finir avec la bureaucratie, Éditions First, Paris, 1989 ISBN 2-87691-084-5.
- Pierre Bourdieu La Noblesse d'État. Grandes écoles et esprit de corps, Minuit, 1989
[modifier] Liens externes
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