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Chicago Blues - Wikipédia

Chicago Blues

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Le Chicago blues : Aujourd'hui, le nom de Chicago symbolise,en partie,le blues. Mais le style dit « Chicago blues » recouvre en fait plusieurs genres différents de blues qui se sont successivement développés - tout en coexistant à chaque fois longtemps entre eux - dans les quartiers noirs des années 20 aux années 60. Big Bill Broonzy, Tampa Red, Muddy Waters, Howlin' Wolf, Magic Sam ou Buddy Guy sont certains des maillons les plus connus d'une chaîne qui, malgré ses ruptures souvent mises en avant, n'en conserve pas moins une réelle continuité.

Sommaire

[modifier] Chicago, ville du blues ( l'origine... )

Chicago était situé au bout de la ligne de migration Sud-Nord, terminus des voies de communication routières, ferrées ou même fluviales. Elle était une des premières cités industrielles d'Amérique, aussi bien chronologiquement (dès la deuxième moitié du XIXe siècle) qu'en importance. Quantité de fabriques et d'usines s'étaient installées sur les bords du lac Michigan, remarquable carrefour entre l'Atlantique et les grandes plaines, le Sud des plantations et l'Est commerçant. En outre, c'est à Chicago que de nombreuses ligues anti-esclavagistes avaient élu domicile et, dès avant la guerre de sécession, fait « évader » des milliers d'esclaves noirs par le train. Ceux-ci, libérés, choisissaient d'habiter Chicago, devenant gens de maison ou manœuvres. C'est ce peuplement noir ancien lié à cette longue tradition migratoire « libératoire » avec tous les relais familiaux et d'aide locaux que l'on imagine, qui explique, tout autant que la position industrielle et géographique de la ville, la place priviligiée qu'entretiendra Chicago dans l'imaginaire des Noirs sudistes et qui maintiendra la ville pendant très longtemps comme la meilleure et ultime destination nordiste. Quoi qu'il en soit, entre 1918 et 1939, Chicago connaît - à l'instar de Saint Louis et New York - une migration sudiste très importante. Entre 1939 et 1944, la différence se creuse : Chicago accueille entre deux à deux fois et demi plus d'immigrants noirs que les autres villes industrielles du Nord. Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement continue à grands flots au moins jusqu'en 1955. À cette date, le relais est pris par la Californie qui avait aussi été le lieu d'une importante migration noire (surtout en provenance du Texas) à partir de 1942. En outre, contrairement à ceux de Detroit, Pittsburgh, Cincinnati et Cleveland, autres grandes villes ayant accueilli des masses de migrants sudistes durant la guerre, l'immigration noire vers Chicago est très homogène, 86% provenant des États du Mississippi et de l'Arkansas (selon les chiffres américains du recensement) entre 1940 et 1945.

Cela n'a certainement pas suffi à créer un style particulier de blues à Chicago. Il aura fallu aussi l'existence dans la ville même, dès les années 20, d'une industrie du disque avec des studios, des arrangeurs et des producteurs ouverts aux nouveaux marchés particuliers comme celui des Noirs sudistes. Cela a probablement attiré de façon irrésistible vers Chicago de très nombreux musiciens, connus dans le Sud, mais à la recherche d'une véritable carrière assortie d'engagements dans des cabarets « sérieux » et d'enregistrements.

Sans enregistrements sonores et sans sources écrites réelles, il est très difficile de dresser un panorama des musiques faites à Chicago par les Noirs entre 1900 et 1920. Les gazettes à destination des Noirs, particulièrement le Chicago Defender, rapportent surtout les concerts des compositeurs classiques et les spectacles de music-hall. Comme dans toutes les villes américaines, le vaudeville domine. Le blues venu du Sud par migrants interposés semble se faire une place modeste et très édulcorée dans ces spectacles de music-hall. Il s'agit généralement d'une ou deux chansons très nostalgiques interprétés par des chanteuses en fin de soirée avec des effets vocaux (pleurs, soupirs, gazouiilis) très appuyés. Ce sont ces chanteuses - la plupart du temps nées dans le Nord - qui enregistreront d'abord des blues. Étaient elles vraiment populaires dans les tavernes des ghettos noirs qui résonnaient de plus en plus en échos du Sud profond au fur et à mesure que la composition des quartiers noirs se modifiait?

Dans ces quartiers bas, une autre culture populaire sudiste semble s'être développée entre 1912-1920 : celle des minstrels shows ou des medicine shows, ce vaudeville du pauvre, spectacles à partir de charettes bâchées où un ou deux bonimenteurs-musiciens-clowns attirent le chaland en jouant banjo et violon afin, ensuite, de vendre l'élixir miracle qui guérira tout aussi bien les peines de cœur que les maux de dos. À Chicago, plusieurs transfuges noirs de ce circuit sudiste des medicine-shows connaissent un franc succès populaire après la Première Guerre mondiale. Le chanteur-banjoïste-guitariste, Papa Charlie Jackson est le plus connu de ces artistes. Venu de La Nouvelle-Orléans via un itinéraire long et tortueux à Chicago, il enregistre dès 1924, et connaît avec Papa's lawdy lawdy blues un succès considérable. Jackson opère au cœur du ghetto et son succes engendre de nombreuses vocations. Les pièces osées voire scabreuses directement issues du vaudeville le plus populaire, dites Hokum, enregistrées d'abord par Papa Charlie Jackson, décident la carrière de nombreux émules comme Georgia Tom ou Tampa Red et Big Bill Broonzy. En effet, associé à Jackson, Broonzy apprend la guitare et, grâce à lui, accomplit en 1926 ses débuts discographiques.

[modifier] Le Bluebird Sound et l'influence de Lester Melrose.

En fait, il faut attendre 1928 pour qu'émerge une véritable école du blues à Chicago. Le genre est alors au sommet de la popularité, bien moins à travers les guitaristes solistes reconnus aujourd'hui comme les maîtres-fondateurs du genre que grâce aux musiciens des centres urbains comme Indianapolis ou Saint Louis : Lonnie Johnson et Leroy Carr. L'association de ce dernier avec le guitariste Scapper Blackwell crée la base de tout blues urbain des années 30. Ils ne jouent pas à Chicago mais leurs disques sont dans tous les juke-boxes, entraînant le guitariste Tampa Red à s'associer avec le pianiste Georgia Tom, Big Bill Broonzy avec les pianistes Black Bob puis Blind John Davis et Joshua Altheiner. Mais, en même temps, des musiciens plus récemment arrivés des États du Sud profond (Washboard Sam, Johnny Temple, Jazz Gillum, Joe McCoy, Memphis Minnie...) apportent une certaine tonalité rurale, voix et instruments, au Chicago blues. En 1935-37, la scène du Chicago blues est trés largement dominée par des orchestres comprenant guitare (s), piano, basse, parfois batterie ou washboard, ici et là des cuivres et, dans les cas de Gillum et Williamson, un harmonica.

Cette façon d'interpréter le blues (qui est alors unique en Amérique) a recu, par la critique britannique des années 60, le nom de Bluebird sound, du nom du label Bluebird, une filiale bon marché de RCA Victor, caractérisé par un logo présentant un oiseau beu sur fond jaune, sur lequel paraissaient beaucoup de ces disques de Chicago blues. En fait, Bluebird n'était qu'un des trois labels spécialisés dans les musiques « ethniques » dont le blues au milieu des années 30, Columbia et surtout le britannique Decca ayant, eux aussi, ouvert des séries spéciales pour la clientèle noire comprenant une majorité de blues et de Gospels.

L'unité réelle de ce Bluebird sound est due tout autant aux musiciens qu'à un producteur qui domine tout le Chicago blues d'alors : Lester Melrose. Melrose est un blanc né en 1891 dans une banlieue de Chicago, d'abord pompier et épicier avant d'ouvrir, en 1922, en compagnie de son frère Walter un magasin de musique. Très intéressé par la musique populaire noire, particulièrement du jazz, Melrose publie les compositions de King Oliver et Jelly Roll Morton. Il gagne ainsi suffisament d'argent pour être convaincu qu'il y a là un vivier à exploiter. Il tend l'oreille vers le ghetto noir. C'est lui qui « découvre » alors Tampa Red, Big Bill Broonzy et bien d'autres. À partir de 1934, Lester Melrose devient le producteur-agent artistique-découvreur de talents des labels Columbia et Bluebird. Il sera, alors, responsable de 90% des disques de blues édités par ces labels avant la guerre. Au passage, il s'attribue le copyright de quantité de compositions de « ses » artistes qu'il a souvent, à vrai dire, modifiées et produites à sa convenance, favorisant des arrangements jazzy inspirés de sa passion pour le jazz New Orleans et le Swing.

Le Bluebird sound / Melrose Sound a été très éreinté par la critique qui dénonçait la monotonie de productions systématiques où on retrouvait toujours les mêmes tempos, les mêmes instrumentations, les mêmes musiciens et jusqu'aux mêmes morceaux, d'un artiste à un autre. Cette critique est en réalité tout à fait excessive et injuste. Ce style de Chicago blues était immensément populaire parmi les Noirs qui achetaient bien d'avantage ce genre de blues que les styles ruraux qu'on enregistrait plus d'ailleurs qu'avec parcimonie. Quant à l'impression de similitude qu'engendre cette production, elle est surtout réelle quand on écoute les titres les uns à la suite des autres. À l'époque, les morceaux paraissaient sur des 78-t et le public recherchait en achetant un disque de Jazz Gillum ou Memphis Minnie une manière familière, une v

[modifier] Le Chicago Blues Électrique

La guitare électrique figure pour la première fois dans le Chicago blues dans une série de séances de mars 1938 par Big Bill Broonzy et Jazz Gillum. Et le guitariste électrique est un tout jeune jazzman blanc, George Barnes. Lonnie Johnson puis Big Bill Broonzy lui-même s'essayent à l'électricité sans trop de conviction apparente, avant de retourner à l'acoustique. Il faudra attendre en fait 1941 pour que l'usage de la guitare électrique soit importante dan le Chicago blues orchestral. En 1944-45, tout le Chicago blues esr électrique, Sonny Boy Williamson II jouant de l'harmonica amplifié, accompagné par Willie Lacey, Tampa Red ou Big Bill Broonzy à la guitare électrique.

Mais le « vrai » nouveau Chicago blues n'est pas seulement électrique. Le South Side de Chicago devient un vaste ghetto noir, surpeuplé, où des marchés en plein air sont les principaux lieux d'échanges. On assiste à la création de dizaines de clubs minuscules qui n'ont ni la clientèle des « anciens » « Chicagoans » noirs relativement embourgeoisés ni les moyens de faire jouer sur leurs scènes de bric et de broc les artistes établis. C'est là, dans ce monde rural hâtivement transplanté sur les pavés des bords du lac Michigan que naît véritablement le nouveau Chicago blues. Un univers bouillonnant, attiré par les néons de la ville qui pratique un blues urbain, certes dans la continuité formelle des ensembles orchestraux du Bluebird Sound mais avec la fougue féroce, l'indiscipline débridée, la joie de vivre sauvage des pique-niques du dimanche des bords de la Yazoo River pleins encore des odeurs de poisson-chat grillé et des vapeurs de whiskey frelaté. Avec les effets d'une migration sudiste massive, le marché aux puces de Maxwell Street ressemble à un juke-joint du Mississippi.

C'est cette atmosphère d'urgence dramatique qui domine le nouveau Chicago blues et qui laisse incrédules les responsables des grandes compagnies discographiques. Quelqu'un voudrait-il vraiment acheter une musique aussi « paysane »?

À partir de 1947, certains de ces nouveaux bluesmen, favoris de Maxwell Street ou des clubs à clientèle sudiste, réussissent à enregistrer pour des minuscules labels : Floyd Jones sur Marvel; Johnny Young, Othum Brown pour Ora-Nelle... La même année, les frères Len et Phil Chess, deux immigrants juifs tchèques, chassés d'Europe par le nazisme qui s'étaient installés à Chicago à la fin des années 30 et avaient crée divers commerces dans le ghetto noir, fondent leur label , « Aristocrat », qui s'appellera bientôt, en toute simplicité, Chess, avec les conseils avisés de Sunnyland Slim, un chanteur pianiste qui a un pied dans le blues de l'avant-guerre et un autre dans celui de la musique des nouveaux bluesmen. Slim présente ainsi un de ses amis, le jeune Mc Kinley Morganfield aux frères Chess. Sous le nom de Muddy Waters, ce dernier enregistre Gypsi woman et Little Anna Mae, les deux premiers titres d'une œuvre copieuse et magistrale essentiellement immortalisée par Chess qui favorise le blues brut et émptionnel que recherche alors le public du South Side. Muddy, à la guitare sur amplifiée, accompagné d'une simple basse, semble tout droit sorti d'un juke-joint du Mississippi sur certains de ses premiers titres Chess. Cependant, là aussi, il n'est pas certain qu'il y ait l'idée de rupture avec ce qui se faisait auparavant mais plutôt celle d'adaptation à une nouvelle sensibilité. Muddy est surtout salué alors comme le « nouveau Tampa Red », héritage qu'il revendiquera toujours avec fierté. Il est sans doute d'ailleurs probable que c'est Tampa Red qui lui-même joue de la guitare slide alors séance gravée par Muddy Waters en 1949 (Screamin' and cryin', Where's my woman been?), sorte de passage de témoin du maître à l'élève.

Chess devient bientôt le label phare du Chicago blues, attirant les meilleurs nouveaux talents et les bluesmen aspirant au succès. Certains sidemen de Muddy Waters comme Jimmy Rogers, Little Walter qui, très vite, développe un son très personnel à l'harmonica amplifié, Otis Spann, un émule de Big Maceo définissent les canons de ce nouveau Chicago blues orchestral électrique. Cette scène prolifique et proliférente, pleine d'occasions, attire à Chicago de nombreux bluesmen sudistes qui frappent d'abord à la porte de Chess : Sonny Boy Williamson II (Rice Miller), Howlin' Wolf, Elmore James sont enregistrés par Chess et deviendront, eux aussi, des grands noms du Chicago blues.

Un style ne se définit pas que par ses artistes-phares et le Chicago blues des années 1945-55 a ses soutiers, bluesmen très talentueux qui - manque de chance, de charisme, de ténacité? - restent comme des « petits noms » d'un genre qu'ils ont cependant largement contribué à définir et à établir : Eddie Taylor, Snooky Pryor, Floyd Jones, Little Johnny Jones, Arthur Spires, Baby Face Leroy, Louis Myers, Homesick James, J.B. Hutto, Blue Smitty et tant d'autres qui laissent souvent une œuvre trop courte mais remarquable. Il faut aussi remarquer que le style ancien ne disparaît pas totalement. Il perdure, modernisé avec succès chez des nouveaux bluesmen, aujourd'hui quelque peu oubliés, mais qui ont été alors de grosses vedettes : Eddie Boyd, Willie Mabon.

Enfin, qu'aurait été ce nouveau Chicago blues sans l'action déterminante, volontaire, avisée du producteur Willie Dixon, « Melrose noir », lui même un bluesman versatile originaire du Mississippi, véritable homme-clé du Chicago blues durant trois décennies? Salarié chez Chess, il arrange, produit, compose, conserve l'esprit des bluesmen-maison tout en leur faisant adopter un format suffisamment commercial pour que leur audience soit plus large que celle de leurs concurrents sur d'autres labels de Chicago blues. avec un résultat tout à fait exceptionnel.

Car, en effet, Chess n'est pas le seul label indépendant à tenter sa chance sur le marché du blues de Chicago. De très nombreux disques sortent sur JOB, fondé par les Noirs Joe Brown et Saint Louis Jimmy (Jimmy Shines, Robert Jr Lockwood). United et States, propriété d'Art Sheridan, un fabricant de matières plastiques (Junior Wells, Robert Nighthawk), Chance, crée par Steve Chandler, un agent immobilier (Homesick James), Blue Lake, Parrot...et de très nombreuses petites entreprises éphémères laissent souvent un catalogue de très haur niveau qui permet de mesurer l'étendue et la qualité du Chicago blues d'alors.

En termes de réussite et d'impact commerciaux, Vee Jay est le seul concurrent véritable de Chess. Fondé par deux Noirs, Vivian Carter et Jimmy Bracken (d'où le nom Vee - de V - et Jay - de J) en 1953, ce label captera les talents d'une génération de bluesmen qui annoncent souvent le rock'n'roll, mariant des figures répétitives de boogie-woogie avec des thèmes sentimentaux pour teen-agers. Jimmy Reed - dans une moindre mesure Billy Boy Arnold - sont les grosses pointures de ce label (qui fera aussi enregistrer à John Lee Hooker certaines de ses meilleures séances dans un contexte de Chicago blues).

[modifier] Le West Side Sound

En 1940, deux quartiers de Chicago étaient majoritairement peuplés de Noirs : la Black Belt et le Near West Side autour de Lake Street et le Roosevelt Road. L'explosion migratoire provoque une expansion de ces quartiers ainsi que leur « ghettoïsation » affirmée (c'est-à-dire un peuplement noir homogène, ce qui n'avait pas vraiment été le cas auparavant, d'autres communautés « pauvres » voisinant avec les Noirs avant la guerre).

Non sans rencontrer d'opposition farouche (et parfois violente) de riverains blancs. Entre 1950 et 1958, une nouvelle flambée démographique noir, due cette fois plus aux naissances qu'à l'immigration, entraîne le surcongestionnement du South Side qui atteint le lac Michigan. ainsi que la confirmation d'un deuxième grand ghetto, le West Side qui englobe l'ancien quartier juif, tandis que les Israélites ont désormais acquis les moyens de gagner les faubourgs plus bourgeois. La situation du West Side est rapidement alarmante : surpeuplement, délabrement urbain, absence de services publics visibles, niveau de vie misérable, insécurité notoire...

C'est dans ce contexte désastreux que va se développer, au milieu des années 50, un nouveau et dernier style de blues propre à Chicago : le West Side Sound.

Si Muddy Waters et Howlin' Wolf étaient les , « patrons » incontestés du blues de Chicago, leur popularité extérieure ne s'était jamais vraiment exercée que sur leurs territoires d'origine : Memphis et le Sud profond. Les autres grands noms du blues avaient adopté une approche très différente, empreinte de manières venues du jazz, du Rhythm and Blues, voire du gospel et de l'ambiance « classe » des grands orchestres de swing. Le style B.B. King, avec guitare soliste et cuivres, chant déclamatoire, inspirait les jeunes Noirs des ghettos de Chicago autant que celui de Muddy Waters. Il représentait, en outre, une aspiration à une modernité urbaine. dans le West Side de Chicago, - mariant le jeu de B.B. King, une introduction plus marquée des sonorités venues du gospel et le Chicago blues électrique désormais traditionnel - de jeunes bluesmen aux dents longues créent un style de blues, tendu, âpre, écorché qui reflète l'atmosphère dramatique qui règne dans le quartier et sans doute dans leurs âmes : Magic Sam, Otis Rush et Buddy Guy (venu récemment de Louisiane) sont les noms les plus connus de ce West Side Sound. Mais il faudrait aussi citer Fenton Robinson, Mighty Joe Young, Jimmy Dawkins, d'une certaine façon aussi Earl Hooker voire Eddie Clearwater...Et plus tard, Magic Slim, Eddie C. Campbell ou Jimmy Johnson.

Mais, là aussi, ces musiciens n'ont pas, seuls, défini le style. Il aura fallu des producteurs et des labels.

Le rôle de Shakey Jake, harmoniciste-chanteur-joueur professionnel et oncle de Magic Sam, a été par exemple tout à fait déterminant dans la mise en place du style de son très jeune neveu. On trouve aussi dans ce processus, une fois de plus, la présence et la patte de l'omniprèsent Willie Dixon. Si Dixon a beaucoup contribué à la réussite de Chess, leurs relations ont souvent été conflictuelles. Se considérant comme sous-payé par les frères Chess, dixon les quitte en 1956 pour ce lancer dans une nouvelle aventure, celle du label Cobra. La compagnie au logo reprèsentant le redoutable serpent est le fruit du génie de Dixon, ses relations privilégiées avec les bluesmen de Chicago et le tiroir-caisse d'Eli Toscano, homme d'affaires véreux, une main dans la musique, l'autre dans la Mafia. À force de vouloir doubler tout le monde, Toscano termine dans le lac Michigan, un bloc de béton aux pieds. Dixon échappe à ce triste destin mais perd néanmoins beaucoup d'argent dans l'aventure Cobra et retourne chez Chess avec, d'ailleurs, une augmentation substantielle de ses émoluments. Artistiquement, cette courte échappée permet à Willie Dixon de rompre avec une certaine routine qui c'était installée chez Chess, de capter la nouvelle demande du public et des musiciens du West Side, de découvrir Buddy Guy et Otis Rush et de participer de façon déterminante à la manière de ce nouveau style de blues. Il y a en effet dans l'œuvre de Guy et Rush gravée pour Cobra d'évidentes réminiscences de ce que Dixon avait enregistré dès les années 40 (!) au sein du « Big Three Trio », un ensemble entre Variétés, jazz et blues. Bien que Cobra domine le West Side Sound, il faut aussi citer le label Chief de Mel London qui enregistre Earl Hooker, Lillian Offit, Magic Sam et Junior Wells qui émarge à ce nouveau courant, se liant alors à Buddy Guy.

La qualité artistique de ce West Side Sound est tout à fait impressionnante et Easy baby par Magic Sam ou Double trouble et All your love par Otis Rush demeurent parmi les meilleurs blues de l'après-guerre. Sur le plan commercial, par contre, l'échec est patent : si I can't quit you baby par Otis Rush est un petit succès à Chicago, tout le reste se vend médiocrement voire confidentiellement. Le blues à Chicago comme ailleurs, rencontre de moins en moins les aspirations des communautés noires qui se tournent vers de nouvelles formes de musique issues du gospel comme la soul. Qu'annonçait par certains aspects, le West Side Sound. Mais l'impact de ces jeunes chanteurs-guitaristes sera considérable sur de jeunes musiciens européens comme Eric Clapton ou Peter Green et sur des Américain blancs tels que Mike BloomfieldJohn Hammond

[modifier] Le Chicago Blues Aujourd'hui : Entre Tradition et Tourisme

Cette longue relation que Chicago a entretenue avec le blues a donné corps à une tradition encore assez vivante aujourd'hui. Mais les choses ont évidemment radicalement changé durant ces deux dernières décennies. Il suffit de lire l'exceptionnel ouvrage de Jacques Demêtre et Marcel Chauvard, Voyage au pays du blues, largement consacré à la scène du Chicago blues en 1959, pour s'en convaincre. À la fin des années 60, le ghetto noir abritait la quasi-totalité de la scène du blues composée de clubs plus chics que d'autres mais avec une assistance, pour l'essentiel, noire. Dix ans plus tard, si une forte scène noir homogène (artiste et public) subsiste dans le West Side, celle du South Side est bien plus ouverte. La présence d'un blanc - publiquement annoncée par l'orchestre à qui il était d'ailleurs conseillé de se présenter en 1968 - passe alors totalement inaperçue. Les orchestres sont le plus souvent racialement mixtes. Surtout, des clubs de blues ont ouvert dans les quartiers résidentiels, notamment le North side, où des groupes - blancs et noirs - jouent le blues pour une audience essentiellement blanche, jeune et étudiante. Les visiteurs extérieurs - Europe, Japon, où même Américains de New York ou de Californie - sont encore exceptionnels.

Dix ans encore et la scène du North Side a, au moins, triplé. Public, patrons et même les musiciens, sont majoritairement Blancs. elle est largement officielle : annonces dans la presse locale et nationale spécialisée, retransmissions radiophoniques et télévisées (sur des chaînes culturelles et éducatives). Celle du South Side continue d'accueillir les musiciens les plus traditionnels dans une ambiance également très ouverte qui n'a plus rien à voir avec ce qui se passait vingt ans avant. Le West Side lui-même est notablement plus ouvert que jadis mais demeure le lieu de passage des bluesmen les moins reconnus, les plus ancrés dans la tradition du ghetto, dans son ouverture aux autres musiques noires contemporaines. L'asistance est très souvent majoritairement noire. Un important flot de touristes venus de l'Amérique et du monde entier écouter du blues remplit fréquemment les clubs.

En 1979, il était encore impossible de rencontrer un officiel de la ville de Chicago ou un professeur de musicologie (noir) qui reconnaisse la valeur (ou même l'existence) du Chicago blues. À partir du phénoménal succès du film Blues Brothers, la municipalité a pris conscience de l'atout touristique, financier et culturel du blues qui devient aujourd'hui un des arguments de vente de la grande cité du lac Michigan chez les agences de voyage. Plusieurs manifestation sont organisées dont l'annuel Chicago blues festival. Et la composition de Robert Johnson Sweet home Chicago est aujourd'hui célèbre dans le monde entier, reprise par des groupes de blues d'Australie à Hong Kong.

Ceci étant dit, le Chicago blues recèle encore de nombreux talents comme Billy Branch, Michael Coleman, John Primer, Byther Smith, Melvin Taylor, L.V. Banks, Vance Kelly, Ice Man Robinson, Johnny Laws, Tré, Mary Lane, Pete Allen, Aron Burton, Lil' Ed, Johnny B. Moore, Maurice John Vaughn, John Watkins, Deitra Farr, Barkin' Bill Smith, etc.

[modifier] Discographie

Il y a de très nombreuses anthologies qui couvrent le Chicago blues. Chicago blues, 1935-42 (RCA); Chicago blues vol.1 & 2 (Document) traitent de l'avant-guerre ; Chess blues (MCA - Chess); Chess blues classics 1947-56 (Chess), Chess blues classics 1957-67 (Chess), The Cobra Records story (Capricorn) et A modern blues anthology (Charly) sont très tournées vers le Chicago blues électrique des années 50 ; l'indispensable série Chicago / The blues today vol.1,2 & 3 (Vanguard) couvre très bien les années 60 ; la décennie suivante est magistralement représentée par la série Living Chicago blues vol.1,2,3 & 4 (Alligator).

Il serait intéressant de tenter aujourd'hui le même type d'anthologie (quelques titres des noms les plus prometteurs) au lieu de faire enregistrer d'emblée un CD entier à des nouveaux artistes qui s'y abîment souvent.

« Source textes » : de la Grande Encyclopédie du Blues, de, et par, Gérard Herzhaft.

[modifier] Musiciens

Une liste de musiciens ayant joué du Chicago blues :

[modifier] Liens externes :

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