Corporation
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La corporation au Moyen Âge est le mode de groupement professionnel des professions artisanales qui rassemble les artisans d'une même profession. Cela n'inclut que les milieux de la production matérielle.
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[modifier] Corporation d'artisans
Le mot corporation lui-même n'est utilisé qu'à partir du XVIIIe siècle. À l'origine il est utilisé en Angleterre pour qualifier des groupements divers ayant une personnalité juridique. Au Moyen Âge et à l'Époque moderne, les mots utilisés pour désigner les corps professionnels sont nombreux : confrérie, jurande, hanse, guilde… La diversité des appellations reflète la diversité des organisations, selon les métiers mais aussi selon leurs situations géographiques, ou encore du rituel utilisé. Ainsi, le mot jurande vient du serment mutuel que se prêtaient les membres, qu'ils faisaient en jurant.
Beaucoup d'historiens classent les corporations en deux catégories plus ou moins homogènes.
- Les corporations jurées qui organisent des artisans de même métier sous un statut particulier. Ils sont considérés comme égaux à l'intérieur de celles-ci.
- Les corporations réglées réunissent des artisans dont les statuts sont approuvés ou même donnés par les autorités royales. Dans ce cas, elles sont souvent dotées d'un monopole.
Elles ont un pouvoir de réglementation du travail, de l'échange et de la production. Les corporations les plus riches ou les plus grandes sont représentées de droit au niveau politique où elles imposent des décisions jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Elles ont la responsabilité de la qualité des produits vis-à-vis de la communauté (habitants de la ville), elles défendent le monopole de l'activité à ses membres. Le monopole peut concerner la fabrication, la vente ou les deux en même temps. Les conflits entre corporations ou avec les « forains », soit les artisans non corporés, sont nombreux surtout en ce qui concerne le monopole.
Les jurés sont chargés de visiter les maîtres et de vérifier la qualité des ouvrages ainsi que de présider toutes les cérémonies d'entrée dans la corporation. Ils sont le plus souvent élus par l'assemblée des maîtres et nommés par les autorités publiques. Leurs mandats sont généralement courts, un an.
[modifier] Les confréries religieuses
Les corporations sont à distinguer des confréries religieuses qui constituent des entités différentes. Les corps de métiers possèdent presque tous une confrérie religieuse qui les place sous la protection d'un saint, patron de la profession. Dans certains cas même la création de cette dernière est antérieure à l'organisation du métier. Elle assure la prise en charge des messes des membres décédés ainsi que la distribution du travail. Leurs principaux attributs sont le cierge, le drap pour les enterrements et la bannière utilisée pour diverses manifestations.
Dans le cadre de ses activités d'entraide des professionnels d'un métier, la confrérie religieuse est amenée à mettre en place un système d'aide mutualisée. Dans la pratique les deux entités sont bien souvent confondues mais seule l'organisation professionnelle peut faire l'objet d'une reconnaissance par les pouvoirs publiques. Les rapports entre l'Église et les confréries sont plutôt conflictuels. L'Église estime en effet que les confréries sont en concurrence avec ses propres institutions et intérêts.
[modifier] Structure et hierarchie
[modifier] Le travail dans la corporation
Les corporations prenaient en charge la formation de leurs membres :
- apprentissage : statut réservé aux apprentis, ils ont très peu de droits, mais beaucoup de devoirs, ils sont tout en bas de l'échelle ; La durée de l'apprentissage varie selon les corps de métier de 2 ans à 4 ans. L'apprenti doit remettre à son maître les frais de son entretien durant toute la durée de son apprentissage. Il prête ensuite serment auprès des jurés et est inscrit sur le registre de la ville.
- compagnonnage : à la fin de l'apprentissage, l'apprenti devient compagnon (du maître) ; il entame un tour de France, afin de connaître d'autres techniques et de parfaire son expérience (en pratique, il se limitait souvent à deux ou trois expériences allant de quelques mois à quelques années).
À l'occasion de ce tour de France des organisations de solidarité entre compagnons se mettent en place. Elles permettent la mise en place d'un réseau d'auberges et de bureaux de placement dans chaque ville. Les compagnies sont, tout au long de l'Époque moderne, interdites par plusieurs édits du Parlement. Elles sont accusées de faciliter les grèves, les conflits avec les maîtres ou encore de concourir à la cherté du travail.
- maîtrise : lorsque le compagnon a acquis assez d'expérience, il peut devenir maître, mais très peu de compagnons arrivent dans les faits à devenir maître. L'accès à la maîtrise nécessite en effet des dépenses importantes pour payer les droits d'entrée dans la confrèrie. Le compagnon doit réaliser un chef-d'œuvre, un objet necessitant un savoir-faire représentatif du métier. Le chef-d'œuvre ne semble pas présenter de réelle difficulté.
Une fois le chef-d'œuvre achevé, il est présenté aux jurés et un banquet est organisé au frais du nouveau maître.
[modifier] L'organisation interne
Ainsi chaque étape dans la vie d'un artisan dans la confrèrie est marquée par un droit d'entrée ou de « vinage ». Le serment est un élément très révelateur de l'idéologie qui prédomine dans la corporation. Il représente un engagement personnel envers la communauté, une responsabilité envers ses membres et un idéal commun du travail. La somme des droits d'entrée ainsi que les amendes perçues par les jurés dans le cas de fraudes constituent une partie des revenus de la corporation. Tout comme la vie des corporations et des confrèries, les finances sont souvent communes aux deux entités. Le reste des revenus est perçu lors des quêtes et des dons des notables locaux.
Les statuts des organisations professionnelles laissent peu paraître les réalités de la vie en leur sein. Ainsi dans la pratique, les corporations connaissent divers mécanismes de fermeture dès la fin du Moyen Âge :
- des fermetures de droit (exercice du métier réservé aux héritiers, seuls les fils ou les gendres pouvaient devenir maître à leur tour)
- des fermetures de fait (impossibilité de la mobilité sociale dans les corporations, les héritiers disposent d'un temps plus court d'apprentissage, payement d'un droit d'entrée dans le métier).
Une réelle concurrence existe entre les maîtres à l'intérieur de la corporation. Parmi les maîtres, certains sont plus importants que d'autres, ce sont eux qui dirigent la corporation et assurent sa représentation auprès des autorités publiques.
[modifier] La fin des corporations
Les physiocrates puis les mercantilistes ont construit successivement des critiques contre les organisations corporatives. L'une des principales est le frein à l'innovation et le manque d'investissement. Les politiques royales alternent ainsi entre leur suppression et leur encouragement. Leurs détracteurs les plus sévères sont Turgot et François Quesnay. Les tentatives proposées de réforme ont échoué face au poids de ces organisations tant que la monarchie française s'est maintenue. Ce sont finalement les lois d'Allarde et Le Chapelier qui y mettent fin en 1791.
[modifier] Bibliographie
- Ernest Labrousse, Histoire économique et sociale de la France, Puf, 1979
- E. Labrousse, Classe ouvrière de l'industrie en France avant 1789
- S. Kaplan, La fin des corporations, Fayard, 2001
- F. Olivier-Martin, L'organisation corporative de la France d'Ancien Régime, 1938
- Lespinasse/Bonnardot: Les livres des metiers d'Etienne Boileau. Paris 1879
- Étienne Martin St.Léon: Histoire des Corporations de Métiers. Paris 1897
- Hosea Ballou Morse: Gilds of China. London - New York - Toronto 1932
- Toulmin Smith: English Gilds. London 1870
- Thomas Weyrauch: Handwerkerorganisationen in der vorindustriellen Stadt. Wettenberg 1996
- Thomas Weyrauch: Craftsmen and their Associations in Asia, Africa and Europe. Wettenberg 1999