Radical (linguistique)
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En linguistique, un radical (ou racine ou encore morphème lexical, lexème, bien que ces notions ne soient pas, dans le détail, identiques) est la plus petite et plus ancienne unité lexicale qui permette de former des mots apparentés (on peut comparer le radical d'un mot à la particule élémentaire de la matière). Cette notion est principalement étudiée en morphologie, étymologie et linguistique comparée mais aussi en lexicologie (bien que l'on se réfère pour le coup plus facilement au lexème dans ce dernier cas). Si lexème connote une analyse synchronique, radical est plus souvent réservé à l'analyse diachronique.
Le radical n'est pas forcément un lemme, d'autant moins dans les langues flexionnelles, surtout anciennes. En latin, par exemple, il n'existe que très peu de mots-racines (mots, ou lemmes, ne comportant qu'un radical nu, sans affixe). Le radical dénote une notion simple que la dérivation permettra de préciser, au moyen d'affixes, par exemple. Dans les langues indo-européennes anciennes, le radical est le plus souvent verbal.
C'est par dérivation d'un radical que l'on obtient des mots d'une autre classe lexicale restant apparentés. Un radical augmenté de suffixes devient un thème morphologique, lequel devient un lemme une fois qu'on y a adjoint des désinences voulues le cas échéant.
La notion de racine est aussi très importante dans les langues sémitiques car les procédés de dérivation y sont bien plus systématiques et cohérents que dans les langues indo-européennes naturelles.
Dans l'analyse des langues modernes, on nomme parfois radicaux les éléments de mots composés. C'est le cas pour les mots savants formés à partir de prétendus radicaux grecs ou latins, comme télécommande, formé à partir de l'adverbe grec tèle, « au loin », et d'un déverbal du verbe commander, c'est-à-dire commande. Le verbe commander s'analyse quant à lui en deux pseudo-radicaux, com-, du latin cum, et mander, du latin mandare. Seul mandare est réellement un radical, et encore si on lui ôte le suffixe de formation d'infinitif -are. L'on obtient alors mand-, radical irréductible et, d'ailleurs, verbal, du mot télécommande.
On le voit, le mot radical n'a pas le même sens selon qu'on analyse de manière diachronique ou synchronique. Ce qui est un radical dans une langue moderne était peut-être un thème de dérivation dans sa langue-mère. Inversement, les radicaux de la langue-mère peuvent, dans la langue-fille, ne plus être identifiables comme telle. On pourra, pour différencier le radical historique en diachronie de celui permettant de construire des lemmes en synchronie, qualifier ce dernier de lexème.
Par exemple, en dernière analyse, le radical historique du lemme français anticonstitutionnellement est latin, c'est sta- (sti- étant un allomorphe) : il permet de relier des termes apparemment éloignés comme statue, être, désister, stable, étable, prostitution, rester ou station. D'un point de vue synchronique, le lexème est stitu-, qui permet de relier lexicalement dé-stitu-er, constitu-er, dé-stitu-tion, con-stitu-tionnel, etc. Toujours en synchronie, constitution et stable n'apparaissent pas formés sur un même lexème : celui de stable est stab(i)l-, que l'on retrouve dans stab-ilité ou stabiliser. Si, historiquement, ils proviennent d'un même ancêtre, actuellement seule l'étude étymologique permet de le savoir : un locuteur lambda ne s'en rendra pas forcément compte.
Enfin, tous les mots ne sont pas construits à partir d'un radical identifiable, quel que soit l'angle d'approche que l'on adopte. On parle dans ce cas de mots immotivés. La plupart des mots-outils (les morphèmes grammaticaux libres comme hier, le ou de) sont immotivés.