Absolutisme
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L'absolutisme est un type de régime politique où « le détenteur d'une puissance attachée à sa personne, concentrant en ses mains tous les pouvoirs, gouverne sans aucun contrôle » (Henri Morel, article « Absolutisme », Dictionnaire de philosophie politique, 1996).
- Remarque : le Vatican, qui n'est pas une monarchie, justifie également son pouvoir par le droit divin (se référer à cet article)
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[modifier] Histoire
Par extension, on qualifie d'« absolutistes » des régimes politiques autoritaires.
[modifier] La monarchie absolue en France
En France, une monarchie absolue fut recherchée par le pouvoir royal. Cette recherche impliquait la suppression ou la limitation des autres formes de pouvoir ; celui de l'église romaine, celui du clergé et de la noblesse ainsi que celui du parlement. Louis XIV a réussi à mettre en place cette forme d'absolutisme, en développant la conception de monarchie absolue de droit divin et en l'imposant à ses sujets, en lieu et place des pouvoirs susdits. Le terme est appliqué dans son sens restrictif à la monarchie française (depuis le XVIIe siècle jusqu'à la chute de l'Ancien Régime) et aux despotismes éclairés du XVIIIe siècle.
[modifier] Genèse et bases théoriques
- Il faut remonter à la fin du Moyen Âge et surtout à la Renaissance pour trouver les fondements de l'absolutisme en France. Le pouvoir royal a en effet renforcé sa légitimité et son administration à partir de la fin de la guerre de Cent Ans. Le domaine royal s'est étendu. Jean Bodin est l'un des théoriciens de la souveraineté royale au XVIe siècle.
- Mais les guerres de religion voient s'affronter les nobles du parti protestant au roi catholique. Les fils de Henri II sont contestés et leur autorité reste fragile. Henri IV renforce la situation et fait cesser la guerre civile par l'édit de Nantes en 1598. Henri IV fut assassiné par Ravaillac en 1610. Selon Pierre Joxe, l'édit de Nantes contribue à renforcer l'autorité royale. Son effet, plus que de fonder la tolérance envers les protestants, fut d'aboutir à une véritable religion royale. A partir de la conversion d'Henri IV, la fidélité au roi l'a emporté sur l'appartenance religieuse.
- Dans la première moitié du XVIIe siècle, les périodes de régence constituent des moments difficiles pour le pouvoir royal. Il faut l'action énergique d'un Richelieu pour mater les protestants et pour adopter une politique étrangère offensive. L'un des théoriciens de l'absolutisme est alors Pierre de Bérulle. Dans le dédicace de son Discours de l'État et des grandeurs de Jésus, adressée à Louis XIII en 1623, il écrit :
- « un monarque est un Dieu selon le langage de l'écriture : un Dieu non par essence mais par puissance ; un Dieu non par nature mais par grâce ; un Dieu non pour toujours mais pour un temps. Un Dieu non pour le Ciel mais pour la Terre. Un Dieu non subsistant, mais dépendant de celui qui est le subsistant par soi-même ; qui étant le Dieu des Dieux, fait les rois Dieux en ressemblance, en puissance et en qualité, Dieux visibles, images du Dieu invisible. »
- Pendant la minorité de Louis XIV, c'est le cardinal de Mazarin qui affronte le soulèvement de la Fronde (1648-1653). Le peuple accablé d'impôt se soulève dans plusieurs régions et les parlementaires font valoir leurs droits. Les princes de sang tels que Condé attisent la révolte et le peuple parisien s'agite. Le jeune Louis XIV doit subir l'humiliation de la fuite dans la nuit ("la nuit des rois"). Il gardera toute sa vie un profond ressentiment contre la noblesse frondeuse. Il fut aussi éduqué par Mazarin dans l'idéologie absolutiste selon laquelle le pouvoir ne se partage pas. Omer Talon, qui fut avocat général au parlement de Paris pendant la Fronde (1648-1652) se considère comme le grand-prêtre d'une religion royale dont il se voulut le plus fidèle serviteur. Lors du lit de justice du 18 mai 1643, qui inaugure le règne de Louis XIV, Omer Talon déclare, agenouillé devant le jeune roi :
- « Sire, le siège de votre majesté nous représente le trône du Dieu vivant. Les ordres du royaume vous rendent honneur et respect comme à une divinité visible. »
- Bossuet, qui fut sans doute le plus célèbre thuriféraire de la monarchie absolue, dans sa Politique tirée des propres paroles de l'Écriture sainte (III, 3e proposition) explique qu'« il y a quelque chose de religieux dans le respect qu'on rend au prince. Le service de Dieu et le respect pour les rois sont choses unies [...]. Aussi Dieu a-t-il mis dans les princes quelque chose de divin. »
[modifier] L'apogée de l'absolutisme : le règne personnel de Louis XIV
- À la mort de Mazarin, en 1661, le jeune Louis XIV (il a 22 ans) décide de se passer de premier ministre. C'est le début de la phase absolutiste de son long règne personnel. Il annonce sa volonté affichée lors du sacre, fait du roi un représentant de Dieu sur terre. Les objets qu'il reçoit au cours de cette cérémonie à Reims sont symboliques de sa puissance. Tous ses sujets doivent lui obéir, comme l'écrit Bossuet. Le régicide est assimilé à un sacrilège. Le roi commande les armées, protège l'Église catholique, rend la justice, fait les lois.
- Le château de Versailles est l'expression architecturale de l'absolutisme louis-quatorzien. Le roi soleil voulait d'abord construire un palais d'une ampleur inégalée, qui, par ses dimensions et sa décoration, représenterait sa puissance incontestée. Il engagea les meilleurs artistes de son époque afin d'édifier un ensemble classique, emprunt d'ordre et de grandeur. Les jardins créés par André Le Nôtre devaient refléter la domination de la nature.
Surtout, Versailles constitua une véritable prison dorée pour la haute noblesse française. Tous les Grands du royaume se devaient d'être présent dans la vie quotidienne de Louis XIV. Celui-ci parvint donc à domestiquer cette noblesse qui était apparue autrefois turbulente (Cf. l'épisode de la Fronde) en distribuant des pensions et en organisant des spectacles fastueux. Pour obtenir l'attention du roi, les aristocrates devaient respecter l'étiquette et multiplier les dépenses somptuaires. Nombre d'entre eux finirent en disgrâce ou ruinés. Échappant au contrôle physique du peuple parisien, le souverain prit le contrôle de l'aristocratie, mais vida les caisses de l'état. Le château de Versailles servit enfin de modèle à de nombreux autres princes européens. Il constitue la vitrine du savoir-faire des artisans et des artistes français.
- La fameuse phrase "L'état, c'est moi" a été abusivement attribuée au roi soleil. Malgré tout, la politique absolutiste de Louis XIV vise à moderniser les structures de l'état, afin de les rendre plus efficaces, et de faire rayonner la France en Europe. Le gouvernement absolutiste est centralisé à Versailles où sont prises la plupart des décisions. Le roi écoute ses conseils (conseil d'En Haut, conseil des parties, conseil des dépêches …), ses ministres et ses secrétaires d'état mais décide seul. Il n'hésite pas à écarter les personnalités trop gênantes (emprisonnement de Nicolas Fouquet, disgrâce de Vauban …) et choisit son gouvernement parmi les hommes les plus dévoués, dont Jean-Baptiste Colbert représente la figure la plus connue. Dans les généralités, les intendants sont les yeux et les oreilles du roi. Nommés et révocables par le souverain, ils détiennent des pouvoirs étendus à la police, la justice et les impôts. Ils contrôlent l'action des administrateurs locaux et des officiers qui possèdent leurs charges.
- Dans le domaine économique, l'absolutisme louis-quatorzien souhaitait que la France fût la plus riche possible. Sur les conseils de son ministre Colbert, il mit en place une politique volontariste destinée à attirer l'argent dans le royaume et à l'y maintenir. Les manufactures royales étaient mises en place pour fabriquer des objets de luxe français. Les tarifs douaniers furent relevés et les compagnies de commerce furent dotées de privilèges et de monopoles. Toutefois, cette politique économique ne donna que des résultats modérés, car les guerres du roi soleil grèvaient considérablement le budget de l'état.
- Le roi sacré impose le catholicisme à tous ses sujets : en révoquant l'édit de Nantes en 1685, il force les protestants à se convertir ou bien à quitter le royaume. Plusieurs milliers de Huguenots finiront par émigrer sous des cieux plus tolérants, vers les Provinces-Unies ou l'Amérique du Nord. Dans le domaine économique, Louis XIV s'appuie sur son ministre Colbert et sa doctrine : pour enrichir la France et son roi, il faut empêcher la monnaie de sortir en évitant d'acheter trop de marchandises coûteuse à l'étranger. Il faut développer les manufactures qui produisent des objets de luxe, symboles du raffinement de la civilisation française.
Sur le plan international, Louis XIV s'emploie à agrandir les frontières du royaume, essentiellement vers le nord et l'est.
[modifier] Limites et critiques de l'absolutisme français
- Le roi de France doit respecter des règles qui limitent de fait son pouvoir : il doit appliquer les lois fondamentales du royaume. Il lui est interdit de choisir son héritier : il ne peut enfreindre le principe de l'hérédité et de la primogéniture mâle. Monarque sacré à Reims, le roi doit défendre l'Église catholique et ses commandements. Le domaine royal reste inaliénable. En matière judiciaire, il dispose du pouvoir d'envoyer quelqu'un en prison sans jugement. Cependant, le recours aux lettres de cachet fut relativement restreint dans la pratique. Louis XIV gouverne sans premier ministre et décide seul mais il entend les conseils de son chancelier, de ses ministres et de ses secrétaires d'état.
- Malgré tous les efforts entrepris par le roi Soleil, la monarchie française du XVIIe siècle ne fut jamais absolue par manque de moyens. Le royaume de France est l'un des plus peuplés d'Europe et l'administration n'est pas suffisante pour imposer un pouvoir sans limite. Les décisions royales se heurtent à la société de corps : pendant l'Ancien Régime, les villes, les corporations et ordres disposent de privilèges que le souverain doit respecter. Le clergé a par exemple ses propres tribunaux et ses propres procédures judiciaires. Depuis le Moyen Âge, les libertés (entendons les franchises et les exemptions collectives) autorisent un grand nombre de Français à disposer de droits particuliers. Les sujets ne parlent pas tous la même langue, n'ont pas les mêmes mesures … Les états généraux et provinciaux sont réunis en temps de crise et sont une tribune pour les représentants des trois ordres. Ces institutions vont à l'encontre des visées absolutistes de Louis XIV. C'est pourquoi les états généraux n'ont jamais été réunis sous son règne.
- Au XVIIIe siècle, l'absolutisme est surtout critiqué par les philosophes des Lumières tels que Denis Diderot ou encore Jean-Jacques Rousseau. Montesquieu déclare que les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ne peuvent être concentrés dans les mêmes mains. Dans l'Encyclopédie, l'article portant sur l'autorité politique critique l'absolutisme. La remise en cause du système politique prend une tournure radicale en 1789 lorsque les députés se déclarent Assemblée nationale et qu'ils rédigent par la suite une constitution, la première de l'histoire du pays. On passe alors à un régime de monarchie constitutionnelle. Le mot "absolutisme" a été forgé sous la Révolution française, de même que l'expression "Ancien Régime". Il fut alors chargé d'un sens négatif et systématiquement opposé à l'œuvre de la République. Les journées d'octobre 1789 ramènent le roi à Paris ; la cour est déstructurée et Versailles cesse d'être le lieu de l'absolutisme. Quelques années plus tard, les objets du sacre et les symboles royaux sont détruits par les révolutionnaires. La monarchie absolue de droit divin a vécu.iris XII
[modifier] La monarchie absolue dans le reste de l'Europe
Les monarques les plus représentatifs du pouvoir absolu sont Charles III d'Espagne et Frédéric II de Prusse, ce dernier étant l'exemple le plus fréquemment évoqué de despote éclairé. La Maison de Savoie a également pratiqué cette forme de pouvoir et les résidences des Savoie autour de Turin en sont l'illustration architecturale. L'absolutisme relève davantage de la pratique du pouvoir que d'une doctrine politique.
On a parfois présenté le philosophe Thomas Hobbes comme le théoricien du pouvoir absolu. En réalité, il s'est essentiellement attaché à étudier les rapports de l'homme avec le pouvoir, dégageant de là l'idée de droits imprescriptibles qui seront à l'origine de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
En Angleterre, les Stuarts ont essayé de rogner les droits politiques du Parlement. Jacques Ier tente à plusieurs reprises de gouverner sans convoquer le Parlement qui a en principe un droit de regard sur la levée de nouveaux impôts. Dans ses discours et ses écrits, il rappelle que son pouvoir est de droit divin. Son absolutisme s'exprime également dans le domaine de la religion. Il souhaite imposer l'anglicanisme à tous ses sujets, persécutant les puritains et les catholiques. Son fils Charles Ier continue le projet absolutiste. La guerre civile qui marque la fin de son règne aboutit à la première révolution anglaise : Charles Ier perd le combat et se trouve décapité. Après la parenthèse républicaine d'Olivier Cromwell, la monarchie est restaurée.
[modifier] En philosophie
Selon Bruno Latour, le contraire du relativisme n’est pas l’universalisme, mais l’absolutisme.
[modifier] Annexe
Liste des pays ayant actuellement pour régime une monarchie absolue:
[modifier] Citations
« Pour la plupart des hommes du XIXe siècle et aujourd'hui encore absolutisme est synonyme de despotisme, de pouvoir capricieux et illimité. C'est absolument inexact : pouvoir absolu signifie exactement pouvoir indépendant; la monarchie française était absolue dès lors qu'elle ne dépendait d'aucune autre autorité, ni impériale, ni parlementaire, ni populaire : elle n'en était pas moins limitée, tempérée par une foule d'institutions sociales et politiques héréditaires ou corporatives, dont les pouvoirs propres l'empêchait de sortir de son domaine et de sa fonction. Son droit confinait à une multitude de droits qui la soutenaient et l'équilibraient. L'ancienne France était « hérissée de liberté. » Charles Maurras
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
- Autoritarisme
- Empereur
- Monarchie constitutionnelle
- Monarque
- Constitution
- Monarchie > Monarchie absolue > Monarchie absolue de droit divin
- Politique
- Organisation de la France d'Ancien Régime
- Société d'Ancien Régime
[modifier] Lien externe
[modifier] Bibliographie
- Richard Bonney, L'absolutisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1989
- Fanny Cosandey et Robert Descimon, L'absolutisme en France, histoire et historiographie, Seuil, coll. « Points Seuil », 2002