Action française
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L'Action française (AF) est un mouvement politique français nationaliste et royaliste, fondé en 1899 par Henri Vaugeois, professeur de philosophie, et Maurice Pujo, journaliste et écrivain. Charles Maurras convertit, au début du XXe siècle, les membres de l'Action française au monarchisme. Ce mouvement eut une influence non négligeable tout au long de la Troisième République. Néanmoins, il faut distinguer le monarchisme du Maurras, qui s'est rallié au soutien à la branche orléaniste, du traditionnalisme des légitimistes. En effet, l'Action française ne se confond pas avec le vieux mouvement royaliste traditionnel, moribond à la fin du 19e siècle. Charles Maurras conçoit une combinaison du nationalisme, qui était, jusqu'à l'affaire Dreyfus, synonyme de républicanisme, avec le royalisme et le catholicisme. Il convertit ainsi à l'idée royaliste des futurs membres de l'Action française tels que Henri Vaugeois, Maurice Pujo, ou Léon Daudet, qui appartenaient plutôt aux cercles républicains nationalistes de centre gauche. Maurras lui-même ne s'était rallié à l'idée monarchique qu'en 1896. Un mouvement politique royaliste plus traditionnel, constitué d'un réseau de cercles légitimistes, a d'ailleurs perduré à l'écart de l'AF.
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[modifier] Le maurrassisme
L'Action française n'est ainsi pas un parti qui se confond avec le traditionnalisme et la réaction légitimiste, point particulièrement évident dans l'agnosticisme de Maurras, qui soutient le pouvoir de l'Eglise catholique en tant que force de cohésion sociale, c'est-à-dire pour une raison pratique, mais est peu intéressé par le discours évangélique lui-même.
Au sein de l'Action française, Charles Maurras insuffle une nouvelle synthèse idéologique, le maurrassisme ou l'intégralisme, qui reprend des éléments traditionnels tout en les mêlant étroitement avec des idées plus modernes à l'époque, tel le nationalisme. Cette synthèse nouvelle, construction logique bien charpentée, a eu une grande force de séduction sur les élites intellectuelles de la première moitié du 20e siècle.
[modifier] Premières années
Le quotidien L'Action française paraît pour la première fois le 21 mars 1908, et atteint une diffusion de 30 000 exemplaires. De nouvelles personnalités rejoignent les rangs du parti, qui compte sans doute 20 000 membres : le polémiste et romancier Léon Daudet (fils d'Alphonse Daudet), l'historien Jacques Bainville, le critique Jules Lemaître, l'économiste Georges Valois.
Le militantisme de l'Action française n'hésite pas à recourir à la violence physique, avec la création en novembre 1908 des Camelots du Roi, groupe de jeunes gens chargés de la vente du journal et des « coups de mains » dans la rue. L'Action française possède alors un très grand prestige parmi la jeunesse étudiante réactionnaire. Les Camelots du Roi se distinguent par de nombreux coups d'éclat.
En juin 1908, ils se manifestent bruyamment lors du transfert des cendres de Zola au Panthéon. Leurs affiches de l'époque dénoncent le régime républicain, « gouvernement de ces étrangers plus ou moins naturalisés ou métèques qui, ces jours-ci, souilleront du cadavre de leur Zola le Panthéon désaffecté ».
En décembre 1908, c'est l'Affaire Thalamas ; les Camelots chahutent violemment les cours d'Amédée Thalamas à la Sorbonne — Thalamas avait déjà été la cible de l'Action française en 1904, alors qu'il n'était que professeur d'histoire au lycée Condorcet, pour avoir « insulté Jeanne d'Arc » en offrant à ses élèves une vision positiviste de sa vie.
En 1911, ils relancent l'antisémitisme dans le Quartier latin en s'insurgeant contre une pièce d'Henri Bernstein, juif et accusé d'avoir déserté pendant son service militaire.
Dès 1919, Charles Maurras demande le droit de vote des femmes, qui ne leur a été accordé que par l'ordonnance du 21 avril 1944 du gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Maurras considérait en effet, non sans fondements, que les femmes seraient plus sensibles aux arguments traditionalistes et catholiques que les hommes.
[modifier] La condamnation par le Pape (1926)
Préparée dès 1913 par Pie X -le principal reproche étant de subordonner la religion au politique et au nationalisme- retardée plusieurs fois (même si certaines œuvres ouvertement agnostiques de Maurras sont déjà mises à l'index), la condamnation aura lieu le 29 décembre 1926. Le pape Pie XI condamne l'Action française qui, à ses yeux, dispose d'une trop grande influence sur la jeunesse catholique : les livres de Maurras ainsi que le Journal sont mis à l'Index par décret du Saint-Office. Le 8 mars 1927, les adhérents de l'Action française sont interdits de sacrements. Ceci porte un coup très dur au mouvement. Beaucoup de ses membres le quittent et il entre dans une période de déclin (un catholique qui fut obligé de trouver d'autres chemins en politique et dans la vie fut Georges Bernanos).1 Pie XII lèvera cette condamnation en 1939, suite à la guerre d'Espagne, qui voit un renouveau de l'anti-communisme au sein de l'Église, et la pression d'un fort courant écclésiastique.
[modifier] L'entre-deux-guerres
Dans l'entre-deux-guerres, l'Action française se développe. Aux élections législatives de 1919, la liste d'Union nationale, soutenue par l'Action française, obtient 30 élus, dont Léon Daudet à Paris.
L'Action française continue de recruter de nouvelles générations (Robert Brasillach, Thierry Maulnier, Lucien Rebatet, etc.) mais est frappée par de multiples dissidences (Georges Valois qui part avec 2000 adhérents pour fonder le Faisceau, Louis Dimier, La Cagoule, etc.).
Le 6 février 1934, les ligueurs d'Action française sont au premier rang de la manifestation, pseudo-coup d'État mort-né. En politique étrangère, Maurras et Bainville préconisent l'alliance italienne contre l'Allemagne nazie.
Le 1er février 1935, des étudiants de faculté rallient l'Action française et manifestent contre l'« invasion des métèques » et font grève.
[modifier] La guerre
En 1941, Charles Maurras qualifie de « divine surprise » les dons du Maréchal Pétain, qu'il soutient activement depuis un an, et en qui il voit le symbole de l'unité, dans le prolongement de l'Union Sacrée de 1914. Cependant, l'Action française se divise profondément :
- Des maurassiens se retrouvent dans le premier régime de Vichy qui paraît influencé par les idées néo-traditionnalistes (Raphaël Alibert, qui n'appartient pas à l'Action française, mais est un maurrassien secret), nommé ministre de la Justice, etc.) : régime autoritaire, références catholiques, retour à la terre, antisémitisme, etc.
- D'autres maurrassiens rejoignent la Résistance ou le général de Gaulle : Gilbert Renault (le Colonel Rémy), Alain Griotteray, Henri d'Astier de la Vigerie, Jacques Renouvin, Pierre de Bénouville, Paul Dungler, Philippe de Hautecloque, Daniel Cordier, Honoré d'Estienne d'Orves, etc. ;
- Enfin, certains participent activement à la collaboration avec l'Allemagne, reniés et vilipandés par Maurras.
- Pour sa part, Charles Maurras garde sa position pétainiste persuadé, dira-t-il, que Pétain joue un double jeu (celui-ci alimente en effet le réseau de résistance de Paul Dungler en Alsace). Maurras ne parvient toutefois pas à faire rentrer dans le rang résistants et collaborateurs.
[modifier] L'Après-guerre
En 1944, Maurras est arrêté et condamné à la détention perpétuelle en raison de son soutien à Pétain, bien qu'il n'ait pas lui-même collaboré avec les Allemands. Il sera gracié en 1952.
L'Action française se reconstitue en 1947 autour du journal Aspects de la France (initiales transparentes) et du mouvement « Restauration nationale ». Après la mort de Maurras, en 1952, deux journaux rivaux, Aspects de la France et La Nation française de Pierre Boutang revendiquent l'héritage maurrassien, jusqu'en 1967 où la Nation française disparaît.
En 1971, Bertrand Renouvin fait scission et crée la Nouvelle Action française, qui deviendra bientôt la Nouvelle Action royaliste (orléaniste). Ce mouvement appelera à soutenir François Mitterrand en 1981. Au début des années 80, d'autres figures de l'Action française, tels Georges-Paul Wagner ou Philippe Colombani rejoignirent les rangs du Front national.
[modifier] Aujourd'hui
L'Action française, aujourd'hui dénommée Centre royaliste d'Action française (CRAF), est le principal mouvement politique royaliste. Elle se définit comme « royaliste, nationaliste et souverainiste ». Elle prône le rétablissement de la monarchie en France (avec la famille d'Orléans à sa tête) et s'oppose à l'Europe fédérale, à la mondialisation ainsi qu'au « système des partis » autour de la défense inconditionnelle de l'« intérêt national ». Elle a évacué l'antisémitisme et la xénophobie de sa doctrine, thèmes défendus jadis tant dans la ligne éditoriale du journal que dans le discours de certains de ses membres.
L'attitude à adopter vis-à-vis du Front national divise les militants de L'Action française : une partie des militants du mouvement royaliste considèrent que les royalistes doivent se tenir à l'écart des partis républicains. Pour d'autres, le Front national est le principal parti de la droite souverainiste et nationaliste et voter pour lui est un moyen de faire avancer les idées nationales.
L'Action française est organisée en sections locales. Elle diffuse toutes les deux semaines son journal L'Action Française 2000, dirigé par Pierre Pujo, disponible en kiosque. Le titre L'Action Française a pourtant été interdit à perpétuité à la Libération de la France.
Les jeunes d'Action française sont réunis autour de l'Action française étudiante qui réunit : étudiants, lycéens et jeunes travailleurs. Ayant à leur tête Thibaud Pierre, ils comptent une quinzaine de sections locales, leur militantisme est axé autour de la formation politique : cercles de formation, débats, conférences, etc. ; et de l'action : campagnes, tractages, meeting. Chaque année les jeunes nationalistes se réunissent pour leur Université d'été : le Camp Maxime Real del Sarte, créé en 1953, qui propose 10 jours de formation politique et militante. Anti-mondialiste, anti-libéral, le mouvement revendique la défense sous toute ses formes de l'« intérêt national » et prône un nationalisme hérité de Charles Maurras.
[modifier] Citations
- « L'Action française dont le nationalisme ne pouvait pas se cantonner sur le terrain constitutionnel, résolue à réaliser son nationalisme dans la constitution politique de l'État français, se dit intégrale parce que la solution monarchique satisfait à tous les besoins du pays, comme une intégrale en mathématiques, représente la somme de toutes les valeurs d'une fonction algébrique. » Bernard de Vesins - Congrès d'Action française - novembre 1926, cité par Lucien Thomas dans L'Action française devant l'Église.
[modifier] Bibliographie
- Jean-François Chiappe, Histoire des droites françaises, tome 2 : De 1889 à la condamnation de l'Action française, Rocher, coll. « Documents », 2003 ;
- Jean-Paul Gautier et Nonna Mayer, La Restauration nationale : Un mouvement royaliste sous la 5e République, Syllepse, 2002 ;
- Raoul Girardet, Le Nationalisme français, 1871-1914, Seuil, coll. « Points », Paris, 1983 ;
- François Huguenin, À l'école de l'Action française, Lattès, Paris, 1998 ;
- Jacques Prévotat, Les Catholiques et l'Action française, histoire d'une condamnation 1899–1939, Fayard, coll. « Histoire du XXe siècle », Paris, 2001 (ISBN 2213603332) ;
- Paul Renard, L'Action française et la vie littéraire (1931–1944), Septentrion, coll. « Perspectives », 2003 ;
- Eugen Weber, L'Action française, Hachette, coll. « Pluriel », Paris, 1990 ;
- Michel Winock, Histoire de l'extrême-droite en France, Seuil, coll. « Points », Paris, 1994.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- (fr) Action française (Site officiel du Centre royaliste d'Action française et du bimensuel L'Action française 2000)
- (fr) Action française étudiante (Blog officiel de l'AFE)
- (fr) Histoire de l'Action française
- Textes sur l'affaire Dreyfus et l'Action française