Dao De Jing
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Le Dao De Jing est un classique chinois qui, selon la tradition, fut écrit autour de 600 av. J.C. par Lao Zi (ou Lao-tseu), le sage fondateur du taoïsme, dont l'existence historique est contestée par la majorité des spécialistes contemporains de la philosophie et de la littérature chinoises.
Sommaire |
[modifier] Étymologie
- Écouter la prononciation Fiche
- sinogrammes simplifiés 道德经
- Sinogrammes traditionnels 道德經
- Hanyu pinyin : Dào dé jīng
- Wade-Giles : Tao4 te2 ching1
- Romanisations diverses : Tao-tê-king, Tao Të King, Tao Te Ching, Tao Tö King ou Tao To King
- Traduction possible : Livre de la Voie et de la Vertu, Classique de la Voie et de la Vertu, etc.
En Chine, il est couramment appelé du nom de son auteur supposé, Lao Zi (老子). Ses autres noms sont Daode zhenjing (道德真經) ou Authentique classique de la Voie et de la Vertu, Wuqian yan (五千言) ou Cinq mille caractères et Taishang xuanyuan Daodejing (太上玄元道德經) ou Livre de la Voie et de la Vertu du Mystère originel suprême.
[modifier] Titre
Le titre Dao De Jing reflète prosaïquement le fait que le livre comprend deux sections appelées Dao et De. Le terme Dao signifiant voie, chemin, est couramment employé dans son sens figuré de « voie spirituelle ou idéologique », ou « mode d’action » dans les textes de tous les courants, et ce dès l'époque du Laozi légendaire. Néanmoins, le Dao De Jing est le seul ouvrage à présenter le Dao pour lui-même. De, traduit en général par « vertu », a essentiellement en chinois moderne le sens de « vertu morale », mais a eu autrefois tout comme son équivalent français le sens d' « effet » ou de « pouvoir ».
Les versions du texte retrouvées à Mawangdui, datant d'environ 198 av. J. C. pour la plus ancienne, placent De avant Dao, au contraire du livre actuel. Certains ont donc proposé de l'appeler désormais De Dao Jing, titre choisi pour une traduction de la version de Mawangdui. Hormis la question de l'ordre des mots, trois traductions sont envisageables : Le livre de la Voie et de la Vertu, Les livres [réunis] de la Voie et de la Vertu, ou selon certaines interprétations Le livre de la Voie et de sa Vertu (de son pouvoir).
Le Dao De Jing est un jing, c'est-à-dire un « classiques chinois » (souvent traduit uniquement par « classique »). Ce titre est réservé aux ouvrages importants. On pense qu’il doit à l'empereur Jing des Han (r. 156-141), adepte du huanglao, d'avoir été classé dans cette catégorie. C’est vers la fin de cette dynastie que le nom Dao De Jing commence à apparaitre fréquemment.
[modifier] Constitution
Il est divisé en deux parties, Dao 道 « voie » et De 德 « vertu », et quatre-vingt-un chapitres traitant de notions de la pensée chinoise antique, comme le « Non-agir », la « Voie », le « Retour », la « Vertu », le « Non-existant » etc. Il n'existe pas encore de conclusion définitive quant à sa signification réelle ni l'objectif de son ou de ses auteur(s). Selon certains, ce serait un recueil d'aphorismes poétiques provenant de plusieurs auteurs ou compilateurs, sans réelle cohérence d'ensemble. D'autres au contraire y voient un texte cachant une cohérence profonde sous un style allusif et élliptique.
Il a donc fait et continue de faire l'objet d'interprétations diverses, et a eu des applications dans des domaines aussi variés que la philosophie, la religion, l'art, la stratégie, la médecine, les arts martiaux, les pratiques sexuelles. Il a même inspiré à la fin du XXe siècle des livres tels que The Tao of Physics et The Tao of Pooh, ainsi qu'une version taïwanaise en bande dessinée.
En tout état de cause, ce livre a eu une influence considérable sur des pans entiers de la civilisation extrême-orientale et en Occident à travers ses très nombreuses interprétations et traductions. Il serait effectivement le deuxième livre le plus traduit après la Bible. En 1988 La Fargue et Pas ont recensé 250 versions en langues étrangères. Selon W. T. Chan (1963), on compterait environ 700 versions chinoises commentées. On en dénombrait déjà une trentaine sous la dynastie Tang quand l'empereur Xuanzong ordonna en 731 que tous les fonctionnaires en aient une copie, et le mit au programme des examens impériaux.
[modifier] Auteur
La tradition attribue le Dao De Jing à Laozi, mais l'identité réelle de l'auteur reste discutée. Les deux autres textes fondateurs du taoïsme, le Zhuangzi et le Liezi, mentionnent Laozi de façon sporadique et avec l'aspect d'un personnage quelque peu fantastique. Sa biographie dans l'ouvrage historique Shiji rédigé cinq siècles après l’époque supposée de sa vie n’est guère crédible. Confucius le mentionne brièvement sous le nom de Lao Dan (老聃) comme un sage reclus qu'il dit « aller saluer lors qu'il part méditer ». Mencius ne parle absolument pas de lui dans ses attaques contre l'école taoïste. Les légendes le concernant ont été écrites à partir des Han, soit de plusieurs siècles à plus d'un millénaire après l'époque à laquelle il aurait vécu. La majorité des spécialistes considèrent donc qu'il n'a jamais existé et n'est qu'une identité fictive qui pourrait représenter collectivement les penseurs du premier courant taoïste. Néanmoins, certains pensent qu'il a bien existé un Lao Dan comme mentionné par Confucius et Zhuangzi, qui serait l’auteur, le compilateur ou le commentateur du livre.
[modifier] Structure
Il est actuellement composé de quatre-vingt-un courts chapitres, les trente-sept premiers constituant la section Dao et les derniers la section De. Le nombre de 81, carré de 9, pourrait avoir été choisi pour des raisons symboliques, car 9 a une valeur particulière dans le taoïsme. La tradition attribue cette division, ainsi que celle en deux sections, à Heshanggong (河上公) « vieillard en amont du fleuve ». Il s'agit d'un personnage mythique lié au courant Huanglao dont on ne sait plus grand chose, mentionné dans des textes de la dynastie Han. Dieu ou immortel, il aurait été selon certaines sources le maître spirituel de l’empereur Wendi.
L'existence d’exemplaires découpés en soixante-quatre, soixante-huit ou soixante-douze chapitres est mentionnée dans certains textes, mais aucun ne nous est parvenu. Les exemplaires les plus anciens du Dao De Jing proviennent de Mawangdui (fin du IIe siècle av. J.C.) et de Guodian (郭店) dans le Hubei (fin du IIIe au milieu du IV siècle av. J.C.). L’une des versions de Mawangdui ne porte aucun signe de séparation en chapitres. Dans les autres versions il semble bien y avoir quatre-vingt-un chapitres, mais la séparation n’est pas clairement indiquée, seulement suggérée par des points (Mawangdui) ou de petits carrés (Guodian). De plus, à Mawangdui le contenu des actuels chapitres 80 et 81 est placé derrière le chapitre 66 ; contrairement au texte actuel, la section De se trouve avant la section Dao.
L'ensemble compte un peu plus de cinq mille caractères (jusque 5500 environ), d'où l'un de ses noms. Des considérations numérologiques ont dû là aussi jouer car Cheng Xuanying, taoiste du VIIe siècle, prétend que la version d’origine fut délibérément raccourcie par l'alchimiste Ge Xuan pour qu'elle compte exactement cinq mille caractères.
[modifier] Datation
Le Laozi actuel provient-il d'un texte unique ou y a-t-il eu différentes versions parallèles dont une seule est restée? La question reste ouverte. Le personnage de Laozi (mais pas le Dao De Jing) est mentionné dans des textes datant d'environ 400 av. J.C. Certains ont estimé d'après le style que le Dao De Jing aurait été rédigé entre le Classique des vers et le Zhuangzi. On connait des fragments du texte actuel gravés sur pierre remontant à 300 av. J. C., tout comme la version de Guodian (en fait trois versions fragmentaires). Les deux textes sur soie datant des Han Occidentaux (~200 av. J. C.) découverts dans la tombe de Mawangdui présentent peu de différence avec le texte actuel, qui était donc établi au IIe siècle.
[modifier] Commentaires et interprétations
[modifier] Difficultés
Le Dao De Jing a fait l'objet en Chine de quelque sept cents commentaires et de nombreuses interprétations différentes. Les éditions en langue étrangère en proposent aussi diverses lectures. Comme l'énonce un passage du chapitre 70 : « Mes paroles sont faciles à comprendre [...] pourtant personne au monde ne les comprend ».
Il est écrit en langue classique, difficile à saisir pour les Chinois d'aujourd'hui. Outre les problèmes d'absence de ponctuation et de polysémie des caractères dont le sens peut changer au fil du temps, les écrits anciens s'adressent à un public très limité de contemporains qui ont lu et appris par cœur les mêmes textes et partagent les mêmes connaissances référentielles. Ils sont capables de restituer le sens exact d'un texte elliptique, aptitude que les lecteurs des époques ultérieures ont perdu. Le style poétique de l'ouvrage avec phrases couplées, dans lequel la rime ou l'assonance ont dû jouer un rôle, doit être pris en compte dans l'analyse des mots employés.
Le texte a pu subir des modifications. Ainsi, malgré une nette ressemblance entre la version la plus ancienne connue (les fragments de Guodian) et la version actuelle, on a identifié un vers du chapitre 19 dont le sens a été sensiblement altéré : l'actuel «Élaguez la bienveillance (ren 仁), jetez la droiture (yi 義) », attaque contre les vertus confucéennes, devient à Guodian : « Élaguez le faux-semblant, jetez l'artifice ». Gao Zheng, chercheur de l'Académie chinoise des sciences sociales, pense même que cette version fait partie du corpus utilisé par les membres d'une école confucianiste résidant à Jixia, Si Meng (思孟学派, lignée confucianiste se réclamant de Zi Si et de Mencius). Ce serait l'indication de la diffusion précoce du Livre de la voie et de la vertu en dehors des cercles proprement taoïstes.
La section Dao est souvent considérée comme plus métaphysique, et la section De plus éthique et politique. On a suggéré que l'ordre dans lequel elles étaient placées indiquait les priorités de l'auteur ou de l'éditeur ; la politique primerait alors sur le métaphysique, si l'on se fie à l'ordre des manuscrits de Mawangdui. Mais certains spécialistes pensent qu'il existait au départ plusieurs versions différant par l'ordre du texte.
[modifier] Principaux commentaires
Par l'interprétation qu'ils suggèrent, les commentaires chinois ont contribué autant que le texte d'origine au sens de l'ouvrage et à sa place dans la philosophie et la religion. Le plus ancien se trouve dans le Hanfeizi. Les commentaires les plus importants sont ceux de Heshanggong, Yan Zun, Wang Bi, et le Xiang'er :
- Heshanggong (河上公) est un personnage légendaire. Le commentaire qu'on lui attribue, Laozi zhangju (老子章句) ou Commentaire par chapitre et par phrase du Laozi, datant sans doute du IIe siècle, a exercé une grande influence des Han aux Song, malgré la concurrence croissante du commentaire de Wang Bi à partir des Jin. Il appartient au genre zhangju des commentaires systématiques et propose une interprétation plutôt utilitaire (entretien de la santé, maintien de l'ordre politique et de l'harmonie sociale etc.). On y retrouve la philosophie de l'époque Han : huanglao, théories du Yin et du Yang, cinq éléments, influence de la vertu du souverain sur le destin du pays, souffle primordial comme matière originelle de l'univers.
- Yan Zun (巖尊) (83-10 av. J. C.) ou Yan Junping, devin reclus, a laissé le Laozi zhigui (老子指歸) ou L'essentiel du Laozi, qui témoigne des mêmes influences que Heshangtong, mais son commentaire a un aspect un peu moins utilitaire. Il dégage de l'ouvrage une philosophie plus systématique, dans laquelle la notion de ziran (自然) « nature », joue un rôle important.
- Le Xiang'er (想爾), dont l'auteur reste inconnu, est attribué à Zhang Daoling ou à son successeur Zhang Lu. Il est connu actuellement par une version de Dunhuang qui daterait d'environ 200. C'est le premier commentaire associé à un courant religieux, celui des Maîtres célestes, ce que reflète le contenu : dévotion au Dao, divinisation de Laozi, poursuite de l'immortalité (xianshou 仙壽) par l'enrichissement du qi et l'observance de règles morales. Le sens exact de son titre, littéralement « penser [à] vous », reste une énigme.
- Le commentaire de Wang Bi connut rapidement le succès et deviendra après les Song le plus consulté. Il est à la base des traductions en langue étrangère, à l'exception de celles qui s'appuient sur Mawangdui ou Guodian. Ni religieux ni cosmologique au contraire des précédents mais essentiellement logique, il dégage du Dao De Jing un système plus cohérent et rigoureux que ses prédécesseurs, dans lequel le Dao, origine ontologique de toutes choses, est absolument transcendant. Il relie le Laozi au Zhuangzi et au Yi Jing pour constituer un ensemble qu'il appelle sanxuan (三玄) « Les trois traités du Mystère ». Il s'appuie sur le Dao De Jing pour justifier le système social et politique confucéen et considère Confucius et non Laozi comme le sage idéal.
[modifier] Interprétations
Le Dao De Jing pourrait très bien s'avérer être un recueil d'aphorismes provenant de plusieurs auteurs, sans réelle cohérence d'ensemble ; on y trouve d'ailleurs des propositions contradictoires. Néanmoins, l'interpréter comme un ouvrage cohérent de bout en bout est plus intéressant pour le lecteur, c'est donc cette position qu'ont adoptée commentateurs et traducteurs.
En attendant de nouvelles découvertes archéologiques ou philologiques qui lèveraient enfin le doute sur son sens d'origine, on se contentera de constater son extraordinaire souplesse d'interprétabilité, une des raisons de son succès. Déjà sous les Tang [1], il en existait plusieurs lectures différentes : politiques, religieuses, spirituelles, bouddhistes même, comme celle du Chongxuan (重玄 représenté par Li Rong 李榮) (VIIe siècle) influencé par le Mādhyamika. Toujours sous les Tang, Wang Zhen (王真) le transforma en traité de stratégie militaire [2]. Sous les Yuan, Du Daojian (杜道堅) (1237-1318) fait remarquer que le Dao « semble être compris différemment par chaque dynastie ».
Cette diversité se retrouve dans les traductions étrangères, au sein desquelles on distingue quelques grandes directions :
- Mythologique : thème du chaos, de la déesse mère, des cultes animistes comme celui des cours d'eau (les tourbillons ont été proposés comme origine au caractère xuan (玄)) ;
- Le Dao De Jing comme témoignage d'une expérience mystique, mais sans les visions ;
- Le Dao De Jing comme exposé d'un système philosophique et métaphysique ;
- Le Dao De Jing comme manuel de perfectionnement de soi ;
Les différentes traductions peuvent donc s'écarter sensiblement l'une de l'autre. Il peut d'ailleurs être intéressant d'en lire deux ou trois, et de profiter de l'incertitude qui règne encore dans le monde académique quant au sens profond du texte pour choisir celle qu'on préfère. C'est en tout cas ce que font certains Chinois, si l'on en croit l'échange suivant sur le forum d'entraide du Yahoo taïwanais [3] : à quelqu'un qui demande un résumé du Laozi dont il vient de lire, sans avoir l'impression de la comprendre, la traduction en chinois moderne, un internaute répond : « Ça n'a pas d'importance si tu ne comprends pas tout de suite, mais il ne faut surtout pas lire les notes ni demander aux autres ce qu'ils en pensent, le Dao De Jing doit être abordé sans idée préconçue, il faut s'en faire sa propre idée. »
[modifier] Notes
[modifier] Quelques concepts
- Dao
- De
- Ziran
- Wu
- Wuwei
[modifier] Voir aussi
[modifier] Ouvrages
Traduction en français:
- Tao Te King, traduit par Claude Larre, 1984, ISBN 2226021183 (Poche) et ISBN 2220035522 (édition relié)
- Tao-Tö King, traduit par Liou Kia-hway, 2002, ISBN 2070423174
- Tao Te King, traduit par Marcel Conche, 2003, ISBN 2130538177
- Tao Te King, traduit par François Houang et Pierre Leyris, 2004, ISBN 2020050676
Autres classiques Chinois:
- Yi Jing, livre des changements, (ISBN 3829028121 entre autres)
- Lie Zi, Traite du vide parfait, ISBN 2226094261
- Zhuang Zi, ISBN 2070705293
- Sou Wen, livre de l'Empereur Jaune, ISBN 2867141583
- Sun Zi, livre de l'art militaire (voir http://www.victoryoverwar.com/ )
[modifier] Liens
Lien externe :
- Traduction du Tao-te-king
- le Dao De jing en version chinoise avec traductions en anglais et en français.
- Dào Dé Jīng en français ;
- Dào Dé Jīng en chinois (images) ;
- Dào Dé Jīng en anglais et italien.
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