Ethnisme au Rwanda
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[modifier] L'événement révélateur : le génocide au Rwanda
Le génocide au Rwanda est un des quatre génocides reconnus du siècle dernier. Il a mis en exergue toute l'ambiguïté potentielle de la notion d'ethnie.
Dans de très nombreux documents et discours, on parle de trois « ethnies » au Rwanda: Tutsi, Hutu et Twa (pygmées).
[modifier] Une seule ethnie au Rwanda
Les Hutu, les Tutsi et les Twa parlent la même langue, le Kinyarwanda, ont les mêmes coutumes, notamment se marient de la même manière, assez souvent entre membre de deux groupes dits « ethniques », ont la même foi ancestrale en un Dieu unique Imana, ont évolué vers les mêmes religions apportées par la colonisation, et vivent ensemble sur tout le territoire du Rwanda. Ces données remontent selon la tradition orale au moins jusqu'au XVe siècle. Au-delà, on manque de connaissances, même si des historiens occidentaux ont avancé des théories non confirmées.
[modifier] Historique
Avant la colonisation, ces classifications correspondaient à des groupes socio-professionnels, auxquels des fonctions politiques étaient associées. En tant qu'élément primordial de l'économie, les vaches étaient un signe hiérarchique important. Le terme Tutsi désignait les éleveurs possesseurs de nombreuses vaches tandis que les agriculteurs, moins haut placés, étaient dénommés Hutus. La dynastie royale était issue des éleveurs tutsi (plus précisément du clan Nyiginya), mais la majorité des Tutsi ne faisaient pas partie de cette dynastie. Le roi lui-même, le Mwami, perdait, selon l'un des derniers d'entre eux, sa qualité de Tutsi en arrivant sur le trône. D'autres Rwandais, même si ce n'était pas très fréquent, pouvaient changer de groupe en fonction de certains événements entraînant une décision royale. Un agriculteur « Hutu » pouvait devenir « Tutsi » et réciproquement.
[modifier] L'hypothèse hamitique
Pourtant, à la suite de travaux d'ethnologues venant d'Europe dans les années vingt, les colonisateurs, allemands puis belges, ont discerné trois « ethnies ». Ils se sont fondé essentiellement sur des critères physiques, aujourd'hui contestés, et une histoire distincte des migrations de ces entités de population. Selon cette historiographie, dénommée hypothèse hamitique, les tribus twa de chasseurs-cueilleurs, premiers occupants, ont vu s'installer sur leurs terres, au cours du IXe siècle, des agriculteurs bantous (hutu), puis, au XVe siècle, des pasteurs nilotiques tutsi originaires du nord-est de l'Afrique. La version mythologique fait des Tutsi les descendants de Cham, fils maudit de Noé devenu noir pour n'avoir pas respecté les interdits en vigueur à bord de l'arche. L'hypothèse hamitique est aujourd'hui très largement remise en question et seule la présence ancestrale des Twa n'est pas contestée. En particulier, le passage de l'âge de la pierre à l'âge du fer au cours de la Haute antiquité européenne, alors que les Twa ne pratiquent pas la métallurgie, témoigne d'une diversité de peuplement déjà à cette époque.
[modifier] La carte d'identité ethnique de l'administration belge
Les ethnologues belges analysèrent (mesurèrent les crânes, etc., catégoriseront) des milliers de Rwandais sur des critères raciaux analogues à ceux que les Nazis utiliseront plus tard. C'est toute la science sociale occidentale du début du XXe siècle qui est en cause. On créa un stéréotype de chaque race (les Tutsi grands et minces, les Hutu petits et trapus, etc.). En fait, comme le remarquent des chercheurs, il n'y a pas plus de différence de taille entre les Tutsi et les Hutu qu'entre les classes sociales françaises dans les années cinquante. Le mode d'alimentation expliquerait en grande partie ces différences fréquentes mais pas systématiques : les Tutsi, éleveurs, boivent traditionnellement plus de lait que les Hutu, cultivateurs.
En 1931, une identité ethnique est officiellement décrétée et des documents administratifs précisent systématiquement la catégorie « ethnique » de chaque personne, comme les Nazis spécifieront l'identité juive quelques années plus tard en Allemagne. Chaque Rwandais portera une carte d'identité ethnique obligatoire.
[modifier] Ecriture coloniale de l'histoire du Rwanda
Aucune trace historique, archéologique et/ou linguistique connue ne confirme les hypothèses hasardeuses émises sur l'origine des Rwandais. On n'aurait dû y voir qu'une seule ethnie : l'ethnie rwandaise, avec ses clans, ses hiérarchies et ses groupes socio-professionnels, ses clivages et ses dynamismes, sa culture.
On écrivit une histoire du Rwanda qui justifiait l'existence de ces races.
[modifier] Influence historique de l'ethnisme
Cette catégorisation ethnique a été essentielle dans la genèse du génocide au Rwanda de 1994. Le colonisateur a estimé que les Tutsi étaient une race supérieure aux Hutu et aux Twa. L'administration belge les a favorisés sur tous les plans et les a institués systématiquement comme relais coloniaux, destituant tous les responsables Hutu que la dynastie tutsi reconnaissait. L'accès aux études, hormis le séminaire, fut interdit aux Hutu et réservé aux Tutsi.
Lorsque les Tutsi revendiquèrent l'indépendance à la fin des années 1950, le colonisateur belge renversa cette alliance et mit en exergue l'exploitation des Hutu qu'il avait renforcée et systématisée, ainsi que leur prétendue origine étrangère. La révolte des Hutu chassa les Tutsi du Rwanda en grand nombre lors de l'indépendance et du renversement de la monarchie en 1962, notamment ceux qui étaient liés à la dynastie royale. Lorsque les exilés, majoritairement Tutsi, rentrèrent en force au Rwanda à partir de 1990, la République Hutu prépara le génocide des Tutsi restés au Rwanda, supposés être des traîtres, des agents du FPR. Le manifeste des Bahutu, rédigé par des pères blancs à la fin des années 50, mais publié par le futur président de la future République, et qui inspira les « dix commandements du Muhutu »[1], illustre les mots d'ordre radicalement anti-tutsi qui sont revalorisés dans la société rwandaise au début des années 1990.
D'aucuns avancent que si cette distinction ethnique, essentiellement basée sur des critères morphologiques, avait été fondée, il n'y aurait pas eu besoin de carte d'identité pour la préciser. Sur les lieux de massacres du génocide, on a retrouvé des milliers de cartes d'identité qui traînaient à côté des cadavres.
[modifier] Refondation du système ethnique par le génocide
Aujourd'hui la vision ethnique du Rwanda est largement ancrée dans les esprits, aussi bien au Rwanda qu'à l'extérieur. Le génocide a cristallisé ces références « ethniques », la souffrance et la culpabilité démarquant à travers la société rwandaise deux courants culturels : celui des victimes du génocide et celui des génocidaires qui recoupent partiellement les catégories ethniques instituées par le colonisateur. Pourtant de nombreux Rwandais racontent comment ils avaient découvert parfois très tardivement dans leur adolescence leur identité « ethnique » et celle de leurs camarades.
Ainsi un peuple ayant une unité ethnique, l'ethnie rwandaise, a fini par être déchiré par l'utilisation inappropriée de la notion d'ethnie et son utilisation politique, puisque ce génocide a été pensé et conduit par l'État rwandais, dans le but de garantir le pouvoir des Hutu (agriculteurs) par l'extermination totale des Tutsi (éleveurs).
[modifier] Le choix constitutionnel de combattre l'ethnisme
La nouvelle constitution du Rwanda, votée par référendum en 2003, a abrogé la carte d'identité ethnique, prohibe toute discrimination basée sur l'ethnie et interdit au formations politiques de se réclamer d'une ethnie particulière. La culture internationale n'a pas encore véritablement intégré cette évolution.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
[modifier] Films
- Film Un Dimanche à Kigali (Québec) -- avec Luc Picard, Fatou N'Daye
- Film « Hôtel Rwanda » de Terry Georges
- Film « Après, un voyage dans le Rwanda » de Denis Gheerbrandt sortie en France mars 2005
- Film « Rwanda, l'histoire qui mène au génocide » Genoud (Robert) Distribution : Les films du village
- Film « Une république devenue folle » De Heusch (Luc) Distribution : Simple production, Images de la culture (CNC), ADAV