Godille
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La godille désigne avant tout un aviron à la fois propulsif et directionnel placé à l'arrière d'un bateau. Il est vraisemblable que le mot vienne du latin cauda, la queue : sur certains bateaux comme les sapines de Loire, l'aviron arrière est désigné comme « aviron de coue », c'est à dire de queue. La position de cet aviron unique engendre d'elle-même un emploi très particulier de celui-ci, c'est l'action de godiller.
Cette technique est surtout utilisée en France sur les côtes de la Manche et de l'Atlantique, ainsi que par tous les bateliers et mariniers, à bord de leur "bachot" (annexe), qui la pratiquent aussi en courses de vitesse. Elle est connue mais très peu utilisée dans les îles britanniques, et à peu près inconnue en Méditerranée. Néanmoins, il est probable que le rabelo portugais peut se propulser à la godille.
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[modifier] Principe
L'aviron repose dans une engoujure à l'arrière du bateau (éventuellement une dame de nage peut faire l'affaire mais elle présente de nombreux inconvénients). Il est mis en mouvement par le godilleur qui se tient face à l'arrière, saisit l'aviron à la hauteur des épaules et dont le poids compense la poussée de l'aviron. Il est possible de se tenir face à l'avant ou en travers et d'actionner l'aviron d'une seule main, par exemple pour avoir une meilleure visibilité dans les manœuvres ou impressionner les spectatrices, mais c'est au prix d'un forte baisse de la puissance propulsive.
Le mouvement de la pelle de l'aviron est à peu près celui qu'aurait la pale d'une hélice dont le sens de rotation et le pas s'inverseraient tous les quarts de tour. Pour ce faire, il est d'usage de dire que les mains du godilleur décrivent grossièrement des "8". En fait il s'attache plutôt à donner à la pelle l'incidence la plus élevée possible qui la maintient malgré tout en écoulement laminaire, et, au changement de sens, à faire en sorte, d'un élégant coup de poignets, qu'elle ne soit pas soulevée par la pression de l'eau.
L'explication peut sembler compliquée mais la plupart des gens peuvent apprendre à godiller rapidement, de préférence dans un endroit discret où leur amour propre ne risque pas trop gros. Il peut être préférable d'apprendre avec un aviron long, sur un bateau assez lourd, mais il est surtout nécessaire que ce bateau ait une très grande stabilité directionnelle.
[modifier] Caractéristiques
Avantages :
- contrairement aux autres utilisations d'avirons (nage, vogue) ou de pagaies, la godille a une poussée continue et non alternative, ce qui permet à une personne seule de propulser des bateaux de tonnage beaucoup plus important. Cela dit, le principe de cette technique est utilisé en canoë et kayak dans la manœuvre de déplacement latéral connue sous le terme d'"appel navette".
- le débattement de l'aviron étant relativement faible et très en hauteur, la godille est beaucoup plus adaptée à la manœuvre d'une annexe surchargée que la nage,
- la largeur de manœuvre est celle du bateau, il est donc facile d'effectuer une manœuvre d'accostage ou de circuler sur un plan d'eau encombré. On comprend son intérêt pour les mariniers qui stationnent dans des ports très encombrés,
- l'aviron unique à l'arrière permet de passer presque en continuité d'une propulsion à la perche (qui est la technique la plus efficace par très petits fonds) à une propulsion à la godille,
- la direction est dans l'axe de la propulsion, ce qui permet au godilleur de tourner large en se déplaçant simplement hors de l'axe du bateau, plus serré en appuyant plus dans un sens que dans l'autre, et sur place en effectuant un mouvement identique à celui de la nage ou de la vogue. Quand le bateau court sur son erre (ou sous voile), l'aviron, dont la pelle est mise en drapeau, fonctionne comme un gouvernail,
- la godille se met en place (est "parée", disent les marins) très rapidement, ce qui peut s'avérer fort utile quand il faut agir vite, à l'occasion de manœuvres mal engagées par exemple,
- par rapport au moteur, la godille ne salit pas, ne fait pas de bruit, ne sent pas mauvais, ne tombe pas en panne et ne se prend pas dans les divers filins que l'on croise entre deux eaux dans les ports et leurs environs !
Inconvénients :
- on ne peut godiller avec force (à deux mains) qu'en regardant l'arrière (voir néanmoins la godille chinoise ci-dessous),
- on peut difficilement godiller à plusieurs sur un même bateau (voir néanmoins la godille chinoise ci-dessous),
- la reprise après l'interruption du mouvement est délicate si le bateau a de l'erre),
- le freinage est difficile et très peu efficace (voir la godille arrière ci-dessous),
- la godille ne suffit pas toujours lorsqu'il s'agit de faire face à un courant, même faible, ou une bonne brise.
[modifier] Godille arrière et coracles gallois
Il est possible de godiller en arrière sans pour autant transporter l'aviron à l'autre bout du bateau. Pour ce faire on place l'extrémité de l'aviron sur son épaule et on le saisit avec les mains une soixantaine de centimètres plus bas. Le mouvement des mains est exactement le même mais l'effet est inversé par l'échange entre le point d'appui et le point d'action. La puissance est limitée par deux facteurs: c'est le godilleur qui supporte l'effort qui était supporté en marche avant par l'engoujure, et le bras de levier est limité par la physiologie du godilleur.
Cette façon de godiller est l'un des deux modes de propulsion des coracles gallois (l'autre est le portage). On se tient assis face à l'avant et on utilise une sorte de pagaie dont la pelle peut être profilée (plate ou creuse vers le godilleur, bombée vers l'avant). On la tient un peu comme une pagaie simple de canoë ou de pirogue, mais elle ne sort pas de l'eau. La main supérieure est le point fixe, la main inférieure effectue les mouvements de godille.
[modifier] Godille chinoise
En Extrême Orient la godille propulse les bateaux traditionnels de toute taille. Les godilles des plus gros peuvent être doubles et/ou actionnées par plusieurs personnes.
La pelle se raccorde au fût par un angle obtus. A la hauteur de cet angle une coupelle métallique s'articule sur une pointe fixée à l'arrière du bateau. La pelle est profilée, sa face arrière (intrados) étant plane ou légèrement creuse et sa face avant (extrados) bombée. Le fût est retenu vers le bas par un cordage qui compense le plus gros de l'effort de propulsion. Le seul effort du godilleur se limite à entretenir le mouvement alternatif. Pour cela, il se tient sur le côté de l'aviron, une main sur le fût produit le mouvement, l'autre sur le cordage règle l'angle d'incidence.
[modifier] La godille comme un art
On trouve dans Le cours de navigation des Glénans une remarquable évocation de cette technique, que l'on doit à la plume de l'écrivain Jean-Pierre Abraham et à la science de Jean-Louis Goldschmidt (responsable technique) :
« La godille est sans aucun doute un art, et sa maîtrise constitue l'une des plus nobles conquêtes de l'apprenti marin. Les services qu'elle peut rendre, apparemment modestes, peu vantés, sont innombrables. Il n'est pas d'exemple d'instrument alliant une efficacité sans défaillance à une aussi remarquable économie de moyens. [...]
Mais il faudra encore quelques heures de mise au point avant de pouvoir connaître les plus hautes satisfactions que réserve la pratique de la godille : sur l'eau calme d'un port aux rives peuplées, godiller d'une main (l'autre dans la poche) tourné vers l'avant du bateau, progresser à petits coups tranquilles, tout en ayant l'air de penser à autre chose. »
Citation : Le cours de navigation des Glénans, Paris, Les Éditions du Seuil, 1982, pp. 479-480.
[modifier] Sens dérivés
La presse emploie facilement le mot godiller pour déprécier une action lente et de direction incertaine d'un gouvernement.
Le mouvement hélicoïdale de la godille est probablement ce qui a inspiré l'usage de ce terme pour désigner :
- une technique de ski freestyle consistant à enchaîner rapidement de très courts virages,
- un mouvement de base en natation synchronisée,
- un petit instrument de pêche en eau douce permettant d'animer un leurre placé sur un hameçon.
[modifier] Voir aussi
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