Le Cid (Corneille)
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le Cid est une pièce de théâtre de Pierre Corneille dont la première représentation date de 1637.
Sommaire |
[modifier] Resumé du texte
Rodrigue, fils de don Diègue, et Chimène, fille de don Gormas, amants heureux, vont se marier. Mais un problème surgit, qui oppose leurs pères. Souffleté par don Gormas, don Diègue obtient de son fils qu'il le venge. Rodrigue provoque don Gormas et le tue. Chimène exige son châtiment, sans cesser toutefois de l'aimer. Cet aveu que l'honneur lui interdit de dire tout haut, elle n'y consentira qu'a la fin de la pièce, sûre de la vertu de Rodrigue qui a sauvé le royaume en triomphant des Maures, puis desarmé don Sanche, son champion, en un combat qu'elle a souhaité, sûre enfin de l'amour de Rodrigue qui a demandé d'elle une mort qu'elle lui a refusé. F.bonnet
[modifier] Étude des personnages
[modifier] Un couple brillant : Chimène et Rodrigue alias le Cid
Ils ont environ vingt ans , et même moins. Les coutumes de la noblesse, au Moyen Age, époque où se situe l'action, nous obligent à le penser : Chimène n'est pas encore mariée, et « on n'a jamais vu » Rodrigue « les armes à la main ». Nous pouvons donc les imaginer ainsi, avant le lever du rideau. Chimène, fille d'un grand d'Espagne, a reçu une éducation rigoureuse. Elle est encore sous la garde d'une gouvernante, Elvire, à qui elle se confie et demande conseil. Mais, quoique recluse dans sa maison, elle n'est pas ignorée des jeunes gens de son âge; un grand nombre guette sa main. Elle a surtout remarqué l'ardeur de deux d'entre eux, Don Sanche et Don Rodrigue. La fille du Roi, à qui elle fait souvent part de ses sentiments, l'a rapprochée de Rodrigue, et elle en est tombée amoureuse. Mais la décision ne lui appartient pas. Son père seul doit choisir. Elle a délégué vers lui sa gouvernante pour lui indiquer ses deux prétendants, sans souffler mot de sa préférence secrète. Et elle redoute qu'il ne choisisse pas Rodrigue. Rodrigue, s'il n'a jamais combattu, a cependant reçu l'éducation d'un chevalier. Sous la direction de son père, il a appris non seulement à manier l'épée, mais encore à « attaquer une place, ordonner une armée » et il brûle maintenant de s'illustrer. On lui a inculqué le sens des devoirs envers sa famille et envers sa patrie. Sa courtoisie, on la jugerait naturelle, à voir la rudesse de son père. Elle est celle des jeunes nobles de son âge qui pensent que c'est une trahison que d'être infidèle à sa « dame ». Bouillant, mais raffiné, il est essentiellement séduisant : il a su plaire à une princesse, à Chimène, mais aussi aux preux qui devinent déjà que bientôt il brillera dans leurs rangs. Il a l'assurance de celui qui va droit au but, sans prévoir, comme Chimène, de catastrophes futures.
De même rang, de même âge, bruns et sveltes tous les deux, s'aimant, ils semblent faits l'un pour l'autre.
[modifier] Leurs doubles et leurs rivaux : l'Infante et Don Sanche
Don Sanche, jeune chevalier, un peu plus âgé que Rodrigue, est son rival en amour. L'Infante, qui doit avoir à peu près le même âge que Chimène, est éprise de Rodrigue, comme elle, sans qu'elle le sache. Pour se guérir d'un amour impossible, puisque, fille de roi, elle ne peut songer à épouser un de ses sujets, elle favorise le mariage des deux jeunes gens. Ni l'un ni l'autre ne constituent donc à proprement parler des obstacles à ce bonheur attendu : l'un et l'autre aiment sans être aimés; Don Sanche, courtois comme Rodrigue, sait s'effacer. L'Infante a été élevée dans le « respect de sa naissance » et ne saurait déchoir. Ils tiennent, par rapport au couple central, une place symétrique. On devine, dans l'ombre, leur mélancolie.
[modifier] Le roi et la cour
Sur tout pèse l'autorité du roi de Castille, don Fernand. C'est à la fois un roi médiéval, c'est-à-dire un seigneur plus puissant parmi d'autres seigneurs, et un roi absolu à la manière de Louis XIII. Il redoute les Maures, et, pour mieux les arrêter, il a transporté sa cour de sa capitale Burgos à Séville, où se déroule l'action de la pièce. Mais il se méfie aussi de la désobéissance de ses vassaux qui critiquent ses décisions, se battent en duel et élèvent la voix contre lui. Sa bonhomie, sa bienveillance l’amènent à utiliser l’habileté plus que la contrainte, parce qu’il se soucie moins de l’orgueil du pouvoir que du bien-être de ses sujets. À coté de lui, nous voyons une cour de chevaliers, de compagnons fidèles, dont font partie Don Alonse et Don Arias.
[modifier] Leurs parents
Il existe entre don Diègue, le père de Rodrigue, et le comte de Gormas, le père de Chimène, la même différence d'âge qu'entre ce dernier et Rodrigue : on peut supposer qu'ils ont respectivement soixante et quarante ans. Don Diègue a été autrefois le premier capitaine et le soutien du royaume de Castille. Don Gomès tient aujourd'hui cette place. Ils tirent, l'un de ses souvenirs, l'autre de ses exploits présents, la même fierté. Ils aspirent également aux faveurs royales, mais don Diègue se contente de les espérer, don Gomès estime qu'elles lui sont dues. Don Diègue continue de servir scrupuleusement son roi; don Gomès est plus indépendant et deviendrait facilement un second roi dans le royaume. Ils aiment leurs enfants et se soucient de leur bonheur, mais exercent sur eux une grande autorité. Chimène prend bien garde de laisser à son père l'initiative des décisions. Rodrigue respecte les avis du sien et leur obéit presque malgré lui. Ils ont appris de leurs parents à placer avant tous les autres les devoirs du sang. Par rapport au couple central, don Diègue et don Gomès occupent donc aussi une place symétrique, celle de statues redoutables dont on appréhende les exigences.
[modifier] Les gouvernantes
Ce serait une erreur que d'imaginer semblables la gouvernante de Chimène, Elvire, et celle de l'Infante, Léonor. La première est assurément encore assez jeune ; passionnément dévouée à sa maîtresse, élevant rarement la voix, elle est la confidente attendrie de ses amours et favorise les vœux de Rodrigue. La seconde ressemble beaucoup plus à la duègne traditionnelle : plus âgée, sans doute vêtue de noir, elle a la voix sèche et cassante, elle remplit ses fonctions avec autorité, elle représente aux yeux de la princesse la rigueur du devoir et le remords. Ces personnages sont ceux d'un conte dont l'action se situe à Séville au XIe siècle de l'ère chrétienne…
[modifier] Étude spatio-temporelle
On peut imaginer que la pièce se déroule, en Espagne dans le royaume de Castille à Séville (Corneille a déplacé l’action qui, dans la logique, se trouverait à Burgos), et sur quinze tableaux représentant trois décors que voici :
[modifier] La maison de Chimène
Acte I, scène 1 ; Acte III, scène 1,2,3,4 ; Acte IV, scène 1,2 ; Acte V, scène 1,4,5
C’est un lieu d’attente et de rencontre. La pièce commence d’ailleurs sur ce décor.
[modifier] La Place publique devant le Palais Royal
Acte I, scène 3,4,5,6 ; Acte II, scène 2 ; Acte III, scène 5,6
[modifier] Le Palais royal (surtout la Salle du trône)
Acte II, scène 1,6,7,8 ; Acte IV, scène 3,4,5 ; Acte V, scène 6,7
C’est le lieu oratoire par excellence. Les personnages y font des plaidoiries célèbres, essayent de s’y réconcilier, y vivent des épopées et enfin c’est le lieu de l’épilogue.
[modifier] Étude des thèmes
Le texte est composé de deux thèmes : la vengeance et l’amour présenté sous forme de tragédie :
[modifier] La vengeance
Contrairement à la « tragédie du soufflet » aussi présente dans le texte, la force meurtrière est finalement arrêtée au bord de la catastrophe par les freins qui lui sont opposés :
- le frein de l’amour que Chimène porte encore à Rodrigue lui fait décliner une première fois l’offre de don Sanche (III, 2) et encourager Rodrigue contre son propre champion (V, 1)
- les freins extérieurs : (II, 8) : la temporisation du Roi ; (IV, 2) : celle de l’Infante ; (IV, 3). Tragédie de l’impuissance pour l’honneur de Chimène, elle apparaît au spectateur comme une tragédie arrêté.
[modifier] L'amour
Un conflit apparemment insoluble entre des forces égales, puisque l’éclat de l’honneur avive l’amour et que l’amour implique des devoirs auxquels on ne saurait se soustraire sans déshonneur. Difficile à dénouer, elle n’aboutit pas, à la fin de la pièce, à un dénouement véritable.
[modifier] Quelques mises en scènes historiques
- Création en janvier 1637 au théâtre du Marais, avec Mondory dans le rôle de Rodrigue.
- 1799 : La Comédie-Française, après l'emprisonnement de ses acteurs pendant la révolution, rouvre ses portes avec Le Cid, le révolutionnaire Talma incarnant Rodrigue.
- Au XIXe siècle, l'interprétation du personnage de Rodrigue par Mounet-Sully devient une référence.
- 1947 : La mise en scène de Jean Vilar tourne pendant 149 représentations, puis est reprise en 1951 au Festival d'Avignon, dans la cour d'honneur du Palais des Papes, avec Gérard Philipe dans le rôle titre qu'il incarnera 605 fois.
- 1977 : Terry Hands met en scène le Cid à la Comédie Française avec Ludmilla Mickaël dans le rôle de Chimène et Francis Huster dans le rôle de Rodrigue. Francis Huster fera sa propre mise en scène du Cid en 1985 avec Jany Castaldy dans le rôle de Chimène, Jean-Louis Barrault dans le rôle du roi et Jean Marais dans le rôle de Don Diègue. Il reprend sa mise en scène en 1993-1994 avec ses acteurs de la Compagnie Francis Huster (Valentine Varela, Christiana Reali, Valérie Crunchant, Yves Le Moign', Jacques Spiesser...).
[modifier] Quelques vers célèbres
- Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
- N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? (Acte I, scène 4, monologue de Don Diègue insulté par Le Comte)
- Rodrigue, as-tu du cœur ? (Acte I, scène 5, Don Diègue à Don Rodrigue)
- Va, cours, vole, et nous venge. (Acte I, scène 5, Don Diègue à Don Rodrigue)
- Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
- La valeur n'attend point le nombre des années. (Acte II, scène 2, Don Rodrigue au Comte)
- À vaincre sans péril on triomphe sans gloire. (Acte II, scène 2, Le Comte à Don Rodrigue)
- Va, je ne te hais point (Acte III, scène 4, Chimène à Don Rodrigue)
- Rodrigue, qui l'eût cru ?
- Chimène, qui l'eût dit ? (Acte III , scène 4 Chimène et Don Rodrigue)
- Cette obscure clarté qui tombe des étoiles (c'est un oxymore; Acte IV, scène 1, Don Rodrigue)
- Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort
- Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port (Acte IV , scène 3, Don Rodrigue au Roi)
- Et le combat cessa faute de combattants. (Acte IV , scène 3 Don Rodrigue au Roi)
[modifier] Éditions
Le Cid a connu plusieurs remaniment et le texte a évolué de 1637 à 1682. La version de 1682 est souvent prise en référence par les éditeurs actuels, elle est plus courte d'une scène dans l'acte 1.
[modifier] Parodies
- En 1968, le dramaturge québécois Réjean Ducharme a écrit Le Cid Maghané. La dédicace est « À celle qu'un soir j'ai appelée petite bête puante verte (de) Celui que le même soir elle appela : gros crocodile plein de bouette. »
- En 1972, le journaliste Edmond Brua rédige La Parodie du Cid, transposition en Algérie de la pièce de Corneille écrite en vers et en argot pied-noir. Elle est adaptée au cinéma en 1979 par le réalisateur Philippe Clair sous le titre Rodriguez au pays des merguez.
- Le Cid est la pièce de théatre tournée en dérision dans le film québécois Ding et Dong (1990) de Claude Meunier et Serge Thériault.
[modifier] Liens
[modifier] Articles connexes
- La figure historique : Rodrigo Diaz de Bivar
[modifier] Liens externes
- ABU Texte en ligne
- Athena Texte en ligne
- Biblioweb
- Gallica Texte en ligne
- Rodrigue.biz Texte en ligne
- Jouons avec Le Cid Comprendre et étudier Le Cid (Niveau collège)