Benjamin Constant
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(Lausanne, 1767 – Paris, 1830) est un homme politique et écrivain franco-suisse.
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[modifier] Biographie
Benjamin Constant naît à Lausanne dans une famille protestante d’origine française. Son père est colonel au service des Provinces Unies. C'est là qu'il rencontre Belle de Zuylen. Dans sa jeunesse, il voyage beaucoup, en partie comme chef de protocole dans la Cour allemande. Il est favorable à la Révolution française. Toujours sentimentalement agité, il commence, en 1794, une liaison avec Germaine de Staël-Holstein (Madame de Staël), l’animatrice du Cercle de Coppet qui est un foyer du libéralisme anti-napoléonien et du romantisme. Ses premiers écrits politiques défendent le Directoire contre les mouvements réactionnaires.
Après le coup d'État du 18 brumaire, Benjamin Constant s'oppose à Bonaparte. Le 7 janvier 1800, il intervient au Tribunat, et, dans un discours qui le fait apparaître comme le leader de l'opposition, dénonce « le régime de servitude et de silence » qui se prépare.
Constant devient un écrivain romantique (et nationaliste). Il se rallie à Napoléon pendant les Cent-Jours, et est chargé de rédiger l’Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire. Il formule sa théorie du régime parlementaire en 1815 dans Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs. Après la seconde abdication de Napoléon, il se réfugie à Bruxelles, puis en Angleterre. Adolphe (1816) est son texte narratif le plus réputé.
En 1819, il redevient actif politiquement, comme député dans la Chambre des Communes. Après la Révolution de juillet, à laquelle il apporte son soutien, il meurt.
[modifier] Pensée
[modifier] Postulats de sa philosophie politique
Le but de toute société est la liberté, qui n’existe pas sans propriété. La liberté, c’est la faculté d’être heureux (au sens faire de sa vie une accumulation de plaisirs, mais pas tous les plaisirs)(cf hédonisme) sans qu’aucune puissance humaine ne trouble arbitrairement ce bonheur. Il associe donc la liberté à un sentiment (démarche romantique, \ définition métaphysique). Et il ne veut protéger l’individu pas seulement contre l’État, mais aussi les autres individus. L’arbitraire est l’ennemi principal de la liberté.
En conséquence, Constant se met à la recherche des sauvegardes contre l’arbitraire (droit public). Il apparaît comme le premier théoricien du régime parlementaire classique.
[modifier] De la souveraineté légitime
Il n’y a que deux pouvoirs : l’un illégitime fondé sur la force, l’autre légitime fondé sur la volonté générale. Même s’il reprend l’expression de Rousseau, il le critique vigoureusement. Il attaque surtout l’idée d’aliénation de tous les droits naturels dans le contrat social.
« L’action qui se fait au nom de tous étant nécessairement de gré ou de force à la disposition d’un seul ou de quelques-uns » - ce n’est donc pas un jeu à somme nulle entre ce qu’on gagne et ce qu’on perd. Poussée à l’extrême, cette force – l’État – enlève aux citoyens tout ce qu’ils ont. « Rousseau a déclaré que la souveraineté ne pouvait être ni aliénée, ni déléguée, ni représentée. C’était déclarer en d’autres termes qu’elle ne pouvait être exercée, c’était anéantir de fait le principe qu’il venait de proclamer ». En pratique, le citoyen est surtout sujet, et il est facile pour l’autorité d’«opprimer le peuple comme sujet, pour le forcer à manifester comme souverain la volonté qu’elle lui prescrit ».
La souveraineté populaire (Rousseau) est remplacée avec la souveraineté nationale (Constant).
[modifier] La souveraineté limitée
La souveraineté du peuple n’augmente pas la somme de ses libertés, parce que si la souveraineté est illimitée (peu importe à qui elle appartient), elle est négative, inhumaine.
Quelle est la solution ? Est-ce que « le pouvoir peut arrêter le pouvoir » (Montesquieu) ? Non. La souveraineté légitime du peuple ne peut être qu’une souveraineté limitée et relative à la dimension politique de l’être humain. Autrement dit : Il y a une dimension qui ne doit jamais être touchée par le pouvoir public, même si la majorité le veut . Benjamin Constant propose un catalogue de droits fondamentaux :
- la liberté personnelle (corporelle),
- la liberté religieuse,
- la liberté d’opinion et sa diffusion (liberté de la presse),
- la jouissance de la propriété,
- la garantie contre tout arbitraire,
Ces droits fondamentaux suivent une conception strictement individualiste. Il n’existe pas de droits collectifs, comme la liberté d’association ou de réunion.
La sanction de la violation de ces droits fondamentaux n’est pas seulement la désobéissance. Il s’inspire de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui reconnaît la légitimité de la « résistance à l’oppression ».
[modifier] Confusion des temps
Apporte d’une dimension historique dans sa pensée : une action du passé ne peut être automatiquement reproductible telle qu’elle dans le présent.
[modifier] Organisation du pouvoir étatique
Constant n’est pas un révolutionnaire. Il préconise un système de distribution des pouvoirs (Locke, Montesquieu) qui débute sur un système parlementaire censitaire. 5 pouvoirs fondamentaux :
- Le pouvoir royal
Neutre, il règne, mais il ne gouverne pas. Il est inviolable. Le vice de la plupart des Constitutions est de ne pas avoir un tel pouvoir qui peut intervenir en tant qu’arbitre, lorsque les autres pouvoirs excèdent leurs limites.
Le monarque a diverses prérogatives : faire grâce, nommer les ministres, nommer les membres de la chambre haute, dissoudre l’assemblée représentative de l’opinion pour faire des nouvelles élections.
- Le pouvoir ministériel (gouvernement)
Le gouvernement est responsable pour tous ses actes. L’instrument juridique est le « contre-seing ministériel » : l’obligation pour tout acte de l’exécutif d’avoir la signature du ministre et du roi. Les ministres peuvent être destitués pour le mauvais emploi de leur pouvoir légal, les actes illégaux et les attentats contre les libertés, sûretés et propriétés individuelles. La procédure à suivre est la procédure anglo-saxonne de l’ Impeachment.
Ni l’institution du Premier ministre, ni la vote de méfiance ne sont institutionnalisés par Constant. Mais la responsabilité ministérielle existe quand-même, tant politique que pénale.
- Le pouvoir représentatif de la durée ou la chambre haute héréditaire
Selon Constant, l’exemple anglais et Montesquieu illustrent parfaitement le besoin des prérogatives constitutionnelles à l’aristocratie, la classe intermédiaire entre le roi et le peuple. La justification principale pour le maintien d’une Chambre des Pairs est l’indépendance que l’hérédité est censée assurer. Pour cela, la chambre haute est chargée de juger les ministres mis en accusation par la chambre basse.
- Le pouvoir représentatif de l’opinion ou la chambre basse populaire
La chambre basse est élue au suffrage direct par les citoyens propriétaires, selon un suffrage censitaire. La classe ouvrière est présentée positivement, mais jugée incapable de connaître ses propres intérêts. « Le loisir est indispensable à l’acquisition des lumières, à la rectitude du jugement. La propriété seule assure ce loisir : la propriété seule rend les hommes capables de l’exercice des droits politiques ». Enfin, le clergé pourrait influencer la classe ouvrière, afin de restaurer l’Ancien Régime.
Il est possible d’être député et ministre en même temps.
- Le pouvoir judiciaire
Le pouvoir judiciaire est d’avantage une force sociale et constitutionnelle qu’un vrai pouvoir dans le sens politique. Il doit être strictement indépendant, afin notamment de prévenir et sanctionner l’arbitraire. Les juges sont nommés par le monarque(contre-seing).
Contrairement aux députés, pour lesquels Constant ne prévoit aucune rémunération, les juges se voient attribuer des appointements considérables, afin de sauvegarder leur indépendance. De plus, le juge est inamovible.
- Autonomie locale
Contrairement à de nombreux Français de tradition jacobine, Constant est très favorable à l'autonomie locale. Ce qui n’intéresse qu’une fraction de la population doit être décidée par elle seule.
- Religion et société
Né athée, il retrouve une foi chrétienne libérale. Il juge la religion nécessaire à l’homme, mais il est contre l’abus de la religion par la politique. Constant est partisan d’une tolérance totale et pour la séparation de l’Église et de l’État.
- Liberté de la presse
Dans les sociétés modernes, la presse est la garantie des garanties. La presse est le dernier rempart contre les abus de pouvoir et l’arbitraire.
- Les relations internationales
La guerre est un fait du passé féodal. Elle est maintenant remplacée par le commerce. « La guerre et le commerce ne sont que deux moyens différents d’arriver au même but, celui de posséder ce que l’on désire ». Constant se montre anti-impérialiste et anti-colonialiste.
Les relations internationales sont de la responsabilité du gouvernement, contrôlé par le Parlement, qui reste chargé de ratifier les traités portant échange de territoire. Les assemblées représentatives accordent les levées d’hommes et votent sur les impôts, ils sont donc « la seule garantie contre les guerres inutiles ou injustes. »
[modifier] Conclusion
Certaines idées originales de Benjamin Constant ne paraissent plus nouvelles parce qu’elles sont passées dans nos mœurs, comme le parlementarisme, les libertés individuelles, la séparation de l'Église et de l'État.
Constant a eu une influence considérable sur la monarchie de 1831, sur la Constitution belge de 1831 et sur le droit public de nombreux pays, même des Républiques.
[modifier] Citations
- « Les peuples qui n'ont plus de voix n'en ont pas moins de la mémoire. »
- « Le Suffrage Universel conduirait à la dictature du plus grand nombre sur les élites. »
[modifier] Œuvres
[modifier] Essais
- « Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs(1815)
- Cours de politique constitutionnelle (1818-1820)
- « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes »(célèbre discours prononcé en 1819)
- De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement (1824-1830)
- Mélanges de littérature et de politique (1829)
- Du polythéisme romain considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne (1833)
[modifier] Romans
- Adolphe (1816) — consultez quelques citations
- Le Cahier rouge (1807)
- Cécile (1851), publication posthume
[modifier] Compilation
- "Le droit de mentir", Kant/Constant, commentaires de Cyril Morana, Mille et une nuits, 2003
[modifier] Liens externes
- Biographie
- Droit, État et obligation selon Constant
- « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » (texte intégral)
- Biblioweb.
- Institut Benjamin Constant (Université de Lausanne)
[modifier] Autres acceptions
Benjamin Constant est également un nom repris par un intellectuel et homme politique qui a marqué le Brésil au XIXe siècle, disciple d'Auguste Comte, et dont une ville d'Amazonie brésilienne porte le nom.
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